Khaled Mechaal, le chef du mouvement en exil, menace de ne pas briguer sa propre succession. Khaled Mechaal, le chef du Hamas en exil à Damas, a annoncé samedi son intention de ne pas briguer sa propre succession. Simple manœuvre politique ou bien réelle intention de se mettre en retrait, cette annonce témoigne des profondes dissensions internes qui traversent le Hamas, sur fond de complet bouleversement de la scène politique au Moyen-Orient.
Longtemps considéré comme un «dur» au sein du mouvement, notion un peu étrange dans la mesure où l’organisation palestinienne ne compte pas beaucoup de «modérés», Mechaal était depuis son accession à la tête du bureau politique du Hamas en 1996 l’incarnation de l’intransigeance la plus totale vis-à-vis d’Israël. Défendant le recours aux attentats suicides, devenus le mode d’action favori du Hamas depuis 1994, hostile à toute négociation avec Israël, et partant, à la politique entamée à Oslo par le Fatah de Yasser Arafat, Mechaal était aussi l’homme de l’alliance avec l’Iran et la Syrie.

Khaled Mechaal, samedi dernier, lors d’une réunion au Caire avec Mohammed Badie, un des leaders des Frères musulmans égyptiens. Crédits photo : MOHAMMED AL-HAMS/AFP

Il a depuis un an parcouru un chemin considérable en se réconciliant avec le Fatah et en laissant entendre que son mouvement pourrait renoncer à la violence. L’un des facteurs essentiels de ce changement de cap de Mechaal est la nouvelle donne créée par les révoltes arabes.

La révolution égyptienne de janvier 2011 a d’abord soudainement fait disparaître le régime Moubarak, ennemi juré des Frères musulmans et du Hamas, branche palestinienne du mouvement. Avant même le récent succès électoral des Frères égyptiens, l’ouverture de la frontière avec Gaza et l’accueil bienveillant des nouvelles autorités du Caire ont permis au Hamas de sortir de son isolement. Ces derniers mois, les dirigeants du mouvement, qui ont troqué la djellaba contre des costumes sombres, semblaient avoir pris goût aux salons des grands hôtels égyptiens, où ils séjournent de plus en plus fréquemment.

Parallèlement, le soulèvement syrien est devenu de plus en plus un affrontement entre la branche syrienne des Frères musulmans et le régime alaouite de Bachar el-Assad, rendant de plus en plus délicate la présence du Hamas à Damas. Les familles des dirigeants du mouvement palestinien ont quitté la capitale syrienne, et, même si le Hamas continue de remercier officiellement la Syrie pour l’accueil qu’elle lui a fourni, son départ est dans les faits presque consommé.

Les nouvelles autorités égyptiennes ont pu ainsi favoriser un accord surprise de réconciliation entre les frères ennemis palestiniens Fatah et Hamas, signé au Caire par Mechaal et Mahmoud Abbas au printemps dernier. Les deux hommes se sont à nouveau rencontrés en tête-à-tête en novembre 2011.

Abandonner la lutte armée

Mais le succès des révoltes arabes a aussi influencé le Hamas sur un plan tactique. Arc-bouté sur le recours à la violence et aux attentats terroristes, remplacés par le tir de roquettes contre Israël, le Hamas s’était depuis des années mis lui-même dans une impasse. Boycotté par la communauté internationale, placé sur les listes d’organisations terroristes par les États-Unis et l’Union européenne, assiégé dans Gaza par Israël, le Hamas avait vu sa popularité chuter auprès des Palestiniens. Le recours aux armes a été abandonné de facto par le Hamas depuis la brutale opération israélienne «Plomb durci».

La nouvelle méthode de contestation inaugurée place Tahrir est soudain apparue comme tactique aussi attrayante qu’efficace. Mechaal a lui-même évoqué la possibilité pour le Hamas d’abandonner la lutte armée, pour recourir à des méthodes de contestation pacifiques.

Cette politique l’a récemment mis en porte-à-faux avec d’autres dirigeants du mouvement. Les figures du Hamas à Gaza, Ismaël Haniyeh, premier ministre du proto-État palestinien qu’il gouverne de facto depuis l’éviction du Fatah par un coup de force en 2007, mais aussi Mahmoud al-Zahar, l’un des fondateurs du Hamas, se sont montrées réticentes à la «réconciliation» interpalestinienne voulue par Mechaal. Moussa Abou Marzouk, rival de Mechaal qui l’a évincé de son poste en 1996 alors qu’il avait été arrêté aux États-Unis, s’oppose aussi à ce changement de cap.

En annonçant sa démission, Mechaal place ainsi le Conseil consultatif du Hamas, le Majlis al-Choura, assemblée secrète d’une soixantaine de membres, dans l’obligation de trancher. En attendant sa prochaine réunion prévue avant l’été, cet organe a demandé à Mechaal de «revenir» sur sa décision et de laisser cette question au Conseil consultatif en «fonction de l’intérêt supérieur du mouvement».

Par Adrien Jaulmes – Le Figaro.fr

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