En rentrant d’un voyage scolastique en Europe, durant mon escale à Zurich, je m’étais équipée d’un journal local, Tages-Anzeiger, que je voulais parcourir durant mon vol.

Une petite bande publicitaire mentionnait une nouvelle polémique touchant au lauréat allemand du prix Nobel, Günter Grass, auteur du livre « Le Tambour ».

Grass se distingue non seulement par son dogmatisme gauchiste, mais surtout par sa triste appartenance à l’infâme Waffen-SS durant la seconde guerre mondiale.Ma curiosité piquée, j’ouvris la section culture et business.

Affichée en page 33 du journal, se trouvait une photo de l’élégant auteur à lunettes, vêtu d’un chandail brun et d’une veste en laine, pipe à la main, moustaches grises tombantes et affaissement des bajoues, le dotant d’un air grave, mais paternel.

Le titre annonçait que Grass, 84 ans, cherchait à briser des tabous, peu importait leur origine et consistance.

De quels tabous s’agit-il, me demandais-je.

Et pourquoi en fait, contre le tabou accusant les juifs d’être des génocidaires maniaques ?

C’est un tabou relativement récent dans les annales de l’histoire européenne – désuet depuis les années 1945, après que les juifs eux-mêmes furent pratiquement effacés dans l’un des plus tristement célèbres génocides du monde, perpétué en majeur partie par des compatriotes et des collègues de Grass.

Auparavant, accuser les juifs d’ambitions génocidaires contre les soi-disant haïs goyim ne faisait simplement que partie de la culture populaire, rendue politiquement officielle par le régime Nazi, et dont le SS a été l’instrument politique et exécutif, guidé par la devise « l’honneur est fidélité. »

Grass, le poète a choisi de briser le tabou par des strophes, dans un poème laconique, intitulé « Ce qui doit être dit » qui, entre autres choses, accuse Israël de possession criminelle d’armes nucléaires, menaçant d’anéantir le peuple iranien, lui-même assujetti par un président à « grande gueule »–Hum–qui a occasionnellement et en fait, menacé de détruire Israël.

Ce point spécifique n’est pas mentionné dans le poème, par contre, Israël y est représenté comme une menace à la paix mondiale.

Grass, aurait-il à des fins esthétiques omis les tirades du président iranien ?

La solution finale (Endloesung) ne versifierait-elle pas avec Ahmadinejad ?

La cadence ne rythmerait-elle pas agréablement à l’oreille de l’auteur.

Ou bien y a-t-il quelque autre fin ?

Le poème a attiré une certaine attention aux États-Unis, mais en principe, c’est la réaction immédiate d’Israël bannissant Grass de son territoire, qui est y est bien signalée.

Bien que je ne comprenne pas ses motifs, Grass a manifesté un grand désir de visiter l’état juif.

Que cherche Grass exactement ?

Tout d’abord, il y a la tâche indélébile nazie qui plane sur lui… trimballer une carte de membre SS est déjà une posture illicite, même pour la Gauche extrême, et il est très compliqué de vivre avec.

Même si Grass s’était enrôlé dans la SS durant les derniers mois de la seconde guerre mondiale, il n’en reste pas moins qu’elle le baigne d’un frisson mystérieux à une étape de sa vie, où il est essentiellement ignoré et coché d’ambigüité.

Après tout, en 1944, Grass était jeune, impressionnable et friand pour l’aventure.

Il voulait servir dans la marine (sous-marins) et s’engager sans restriction dans l’offensive navale.

Si son récit est crédible ou non, il avait été plutôt incorporé dans la Waffen-SS, qui tout au long de son évolution, la SS opérait essentiellement en organisme bénévole.

De toute façon, sa confession–du moins dans la mesure choisie par Grass–est un aveu.

Sortir du placard est humiliant mais probablement exaltant à la fois

Ainsi Grass était seulement dans la Waffen SS, la dite arme de combat de l’organisation, pas spécifiquement chargée d’éliminer les juifs et d’autres indésirables même s’ils risquaient d’être interpelés dans la masse–car les SS traitaient la campagne russe, la révolte du ghetto de Varsovie, le soulèvement subséquent de la ville de Varsovie et un nombre illimité d’autres atrocités, incluant le meurtre des prisonniers de guerre canadiens en Normandie, ceux américains à Malmédy et un nombre incalculable de soldats soviétiques assujettis.

La 2d SS Panzer Division Das Reich, une équipe de la Waffen SS et l’unité impliquée dans les improbables scènes de clôture du film « Sauver le soldat Ryan » n’avaient réellement atteint le front qu’au bout de plusieurs semaines après la bataille dépeinte dans le film.

Pourquoi ?
Les SS étaient occupés à massacrer les civils français sur leur chemin jusqu’à leur base à Toulouse.

Peu importe si ce fait fut reporté ou non, il n’en reste pas moins que Grass aurait été soumis à l’endoctrinement le plus intense de la philosophie de l’organisation, dont l’antisémitisme était le pivot central.

Il importe peu aussi que la SS fut une organisation fluide, avec un personnel flottant entre les unités de combat et celles plus spécifiquement chargées d’opérations de « nettoyage ».

J’ai personnellement assez bien connu deux anciens militaires de la Waffen SS, que j’avais rencontrés lors de mon stationnement en Allemagne de l’ouest durant les années 1980, et bien qu’ils refusent d’admettre leur racisme et/ou antisémitisme, chacun d’eux nourrit des préjugés inébranlables.

L’un d’eux, propriétaire d’un club de danse ayant combattu sur le front de l’est, considérait que les forces américaines en Europe s’étaient embraquées dans une croisade identique à la sienne : arrêter les hordes soviétiques.

L’autre, un journaliste local et ancien combattant de l’ouest, haïssait fondamentalement les américains pour la mort et les tourments que leurs avions avaient chuté sur lui et ses collègues.

Ils n’ont jamais vraiment éprouvé de remords pour leurs services sous les étendards doubles nazis, et je suppose que c’est bien ancré dans leurs cœurs, comme dans celui de Grass.

En fin de compte, Grass imagine évidemment que son passé est maintenant englouti par les eaux sous le pont, comme tout bon radical–et qu’étaient donc les Nazis sinon de romantiques radicaux ? –Il analyse les vents qui soufflent … la gauche actuelle est tout-à-fait prête pour faire exploser son antisémitisme… qu’importe si la Gauche est, comme à l’accoutumée, bourrée de juifs. Après tout, les juifs ont inventé la Gauche moderne, de Marx à Trotsky, et à Chomsky.

Le fait est, qu’il n’existe pas beaucoup de lueur entre Grass et les travestis, supposés pro-israéliens de J-Street, et encore moins entre Grass et Chomsky, qui fut lui-même banni d’Israël il y a quelques années.

L’auteur israélien gauchiste, Tom Segev a réussi à extraire quelque colère contre Grass, mais pas assez pour l’étiqueter d’antisémitisme, lui conseillant aimablement, d’utiliser ses ultimes gouttes d’encre pour écrire un autre « beau roman ».

Grass est peut être pathétique, ex-Nazi fripé, mais il est aussi un auteur célèbre avec un prix Nobel sur son plateau.

Et puisque le temps lui est compté, et qu’il n’a pas grand-chose à perdre, il reste néanmoins avide des feux de rampe – il découvre son chant de cygne, un qui répercute la virilité de sa jeunesse–

Et tant pis pour ses craquelures, Grass n’est pas idiot.

Il connait son public, et n’ignore pas le sort des « briseurs de tabou », aussi loin que cela les concerne.

Il pourrait à court terme sentir une petite peine –supportable pour un vieux soldat de front–mais il sera probablement canonisé en fin de compte.

Les tabous ne sont rien d’autre que des termes anthropologiques comme le considèrent les amis de Grass.

Ils sont par définition artificiels et mauvais. Leur rupture est bonne et progressive.

Et ainsi le Nazi se réinvente encore une fois, non pas comme une semonce coupable pacifiste, mais plutôt, comme il était à l’origine, portant une casquette avec une tête de mort, antisémite et fier de l’être, même si, comme il le réclame dans son poème, ce n’est seulement qu’une étiquette, un seau, un tabou qui obscurcit la vérité, que tous les juifs–ou n’est-ce seulement que Benjamin Netanyahu –qui sont vraiment des malfaisants ?

Mon honneur est fidélité, comme Grass l’avait juré plus d’un demi-siècle auparavant, à une organisation et mouvement qui avaient déjà assassinés des dizaines de millions de personnes.

Il reste apparemment encore fidèle à cette devise.

Si ce n’est pas le cas, serait-ce juste beaucoup de culot ?

Quoi qu’il en soit, qu’il brûle en enfer !!!

Thérèse Zrihen-Dvir Article original

Adaptation française du texte de Jonathan F. Keiler

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