La mystérieuse vague d’assassinats et d’incidents affectant le programme nucléaire iranien est certes susceptible de ralentir les efforts de la République islamique dans ce domaine, mais elle risque aussi de renforcer sa détermination en piquant sa fierté.
Mostafa Ahmadi-Roshan est devenu le 11 janvier le quatrième scientifique nucléaire assassiné en Iran en deux ans. A chaque fois, la méthode est la même et digne d’un roman d’espionnage: deux personnes à moto se faufilent jusqu’à une voiture; le passager de la moto colle une petite bombe magnétique sur une portière; quelques secondes plus tard, la bombe explose tandis que la moto a déjà disparu dans la circulation.

« Dix sur dix. Ils frappent leur cible et personne ne se fait attraper », juge Robert Ayers, ancien agent des services secrets américains interrogé par Reuters. « Ce qui rend la chose particulièrement impressionnante, c’est qu’ils ont accumulé une somme d’informations et qu’ils ont effectué leur travail préparatoire sur le terrain, ce qui peut prendre des mois. »

Sidney Alford, expert britannique en explosifs, souligne que la technique employée est « professionnelle ». « Cela a marché et très bien marché », dit-il.

Un cinquième scientifique iranien visé par une explosion similaire a tout de même réussi à y échapper.

Cette vague d’assassinats n’est qu’une facette des multiples épisodes énigmatiques touchant le programme nucléaire iranien: la République islamique affirme ainsi que d’autres chercheurs ont été enlevés; un virus informatique (Stuxnet) s’est immiscé dans ses installations nucléaires; une puissante explosion survenue en novembre dans une caserne et qualifiée d’accident par l’Iran a coûté la vie à une dizaine d’officiers du corps des Gardiens de la révolution, dont le général Hassan Moqqadam, qualifié par le régime d' »architecte » de la force de dissuasion iranienne.

Cette campagne apparente de sabotage survient alors que les Etats-Unis et leurs alliés européens renforcent leurs sanctions contre l’Iran en raison de son programme nucléaire. Les Occidentaux accusent la République islamique de chercher à se doter de l’arme atomique, ce que Téhéran dément.

ISRAEL, PRINCIPAL SUSPECT

Ali Vaez et Charles D. Ferguson, de la Fédération des scientifiques américains, ont récemment écrit que « de tels actes terroristes » ne retarderaient ni n’entraveraient probablement pas durablement les efforts iraniens.

« Le climat d’insécurité qui en résulte fournit aux radicaux de Téhéran des munitions pour exiger des représailles », disent-ils.

Au lendemain de l’assassinat d’un quatrième scientifique, les autorités iraniennes ont ainsi affiché leur détermination à poursuivre leur programme nucléaire tout en mettant en cause Israël.

« Si Israël pense qu’il peut entraver nos recherches avec quatre attentats, cela illustre la pauvreté de ses réflexions (…) Tout le monde va pouvoir constater qu’on ne peut pas nous arrêter avec de tels actes », a déclaré le président du parlement iranien, Ali Larijani.

Le ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, a assuré mercredi que son pays était « très loin » de vouloir attaquer l’Iran pour détruire ses installations nucléaires et l’empêcher d’acquérir la bombe atomique.

L’Etat hébreu est pourtant considéré à Téhéran comme le principal suspect pour tous ces incidents. Les responsables iraniens se souviennent notamment que le bombardement israélien d’un réacteur nucléaire irakien en 1981 avait été précédé d’une vague similaire d’assassinats et d’actes de sabotage imputée à Israël.

Si les responsables israéliens rejettent officiellement toute responsabilité dans les problèmes rencontrés par le programme nucléaire iranien, leurs réactions sont parfois sujettes à interprétations.

« Il y a des pays qui imposent des sanctions économiques et il y a des pays qui agissent de manière différente face à la menace nucléaire iranienne », a ainsi déclaré Dan Meridor, ministre israélien du Renseignement, après une mystérieuse explosion en novembre près d’Ispahan.

DIVERGENCES USA-ISRAEL?

La multiplication des incidents risque d’alimenter la colère des dirigeants iraniens et renforce le risque d’un accrochage entre forces américaines et iraniennes dans les eaux du Golfe.

« A l’évidence, le grand risque, c’est que, les Iraniens pointant rapidement du doigt Israël ou les Etats-Unis, ils ne se retiennent pas particulièrement de lancer des attaques asymétriques avec le risque de déclencher une spirale de violences », dit John Cochrane, spécialiste des questions de défense au sein d’Exclusive Analysis, institut basé à Londres.

« L’acteur clé, c’est Israël. C’est l’Etat qui se considère menacé dans son existence même et qui a la capacité de frapper », ajoute-t-il.

Certains observateurs pensent percevoir des différences d’approche entre les Etats-Unis et Israël.

Après l’assassinat commis le 11 janvier à Téhéran, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a déclaré que les Etats-Unis étaient étrangers à « tout acte violent commis en territoire iranien » et qu’ils condamnaient de tels actes.

Gary Sick, ancien responsable américain et expert des questions iraniennes, écrit: « Le gouvernement américain n’était pas intervenu de cette manière après les précédents assassinats. Si l’auteur est, comme presque tout le monde le pense, Israël, alors cela constituait une sérieuse mise en garde contre toute interférence dans les efforts diplomatiques américains. »

Selon cet expert, si Israël n’est pas convaincu par la voie diplomatique, l’administration du président américain Barack Obama redoute en revanche les conséquences d’un conflit avec l’Iran et « a décrété qu’un retour sur la voie de la négociation était essentiel ».

Le Suédois Hans Blix, ancien directeur général de l’Agence internationale de l’Energie atomique (AIEA), abonde dans ce sens: « Pour le moment, ça parle fort. Mais il me semble évident que l’administration Obama, qui ne peut pas se permettre de donner une image de faiblesse et qui dit que ‘toutes les options sont sur la table’ (…) que l’administration Obama ne veut pas d’une guerre ou de bombardements. C’est assez évident.

« Il est évident que l’opinion publique américaine est lasse de la guerre. »

Avec Peter Apps à Londres, Dan Williams à Jérusalem et Fredrik Dahl à Vienne, Bertrand Boucey pour le service français

LONDRES (Reuters)

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