LE COHEN GADOL (grand prêtre) AHARON : Une figure méconnue

Les relations fraternelles dans la Torah sont bien souvent tumultueuses. Caïn, pris d’un accès de jalousie tue Abel, Ismaël nuit à Isaac, Yaacov se voit contrait d’affronter Esaü, quant à Joseph, il est vendu en esclavage par ses frères. A en croire les épisodes malheureux qui jalonnent le récit de la Torah, entretenir une relation fraternelle saine et sincère relève presque de l’impossible. C’est sans compter sur Aharon.

Aîné du plus important prophète de l’Histoire, Aharon déroge à la difficile série des frères jaloux et amers. Né en l’an 2365 du calendrier hébraïque, il a trois ans de plus que Moïse. Fondateur de la prêtrise, il est aussi le premier Cohen Gadol. Son personnage est plus discret, mais son rôle se révélera prépondérant, tout au long de la destinée du peuple hébreu. Car si Moïse incarne le chef d’Israël dans toute sa splendeur, il n’a pas accompli sa tâche seul. Aharon, son frère, est présent à ses côtés. Et jusque dans la mort, leur lien restera intrinsèquement étroit.

POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE.

Aharon ne correspond pas aux standards habituels. Il n’est pas un « bras droit » ordinaire, et sa personnalité l’éloigne du rôle de « second ».

Certes, c’est Moïse qui fait sortir les Hébreux d’Egypte, reçoit la Torah et l’enseigne au peuple. C’est à lui que Dieu s’adresse et indique comment édifier le sanctuaire dans lequel résidera Sa présence. Moïse nourrit et guide tout un chacun, supporte plaintes et rébellions. Mais il semble aussi qu’il ne peut rien accomplir sans l’assistance de son grand frère. Son aîné tient un rôle majeur dans l’accomplissement des miracles et des plaies qui permettront la libération des Juifs. Aharon est un partenaire à part entière des événements et des initiatives qui vont transformer une ribambelle d’esclaves en un peuple libre et fier. Lorsque Moïse fait face à Pharaon, son frère l’accompagne.

Il est dit que Moïse était atteint d’un trouble du langage, c’est donc Aharon qui prend la parole. Le célèbre épisode du bâton transformé en serpent est aussi à associer au héros méconnu : c’est Aharon qui est à l’origine du miracle, c’est lui encore qui a déclenché les trois premières plaies d’Egypte. Enfin, quand Dieu s’exprime, le texte précise à maintes reprises que le Tout-Puissant s’adresse « à Moïse et Aharon ». Le peuple lui aussi, a saisi la place qu’occupe Aharon, et lorsqu’il se plaint, c’est au duo qu’il adresse ses réclamations. De même, lorsque Korah remet en question l’autorité de Moïse, c’est en réalité essentiellement une révolte contre la position de son frère.

L’ambitieux cousin les accuse de vouloir usurper le pouvoir. Ses motifs sont impies et la querelle le mènera à sa perte. Avec calme et sang-froid, Moïse s’entretient avec tous les partisans de Korah, puis il rencontre l’instigateur de la rébellion. Sa mise en garde est simple : surtout, ne pas contester les droits d’Aharon, qui ne les a nullement revendiqués.

DES DESTINS LIES.

D’après nos Sages, Moïse était originellement destiné à devenir le grand prêtre, et Aharon le Lévite. Dieu aurait choisi d’inverser ces fonctions lorsque Moïse tenta de se dérober, lors de la révélation du buisson-ardent. Les rôles des deux frères ne sont donc pas seulement interdépendants, mais interchangeables. Assigné à la responsabilité de conduire le service dans le Sanctuaire, Aharon doit assurer le lien entre Dieu et son peuple, par le biais des sacrifices. Le tabernacle apparaît clairement comme son domaine de prédilection.

Et pourtant, celui qui a pour tâche de construire le Lieu saint, n’est autre que Moïse. Dieu lui ordonne, par la suite, de recueillir auprès du peuple l’huile d’olive qui servira à la Menora. La lampe cependant, doit être allumée par Aharon. Cette complémentarité illustre le lien entre les deux frères. Dotés de qualités et de sensibilités qui leur sont propres, Moïse et Aharon forment un duo de choc. Aucun des personnages ne prend ombrage de la personnalité de l’autre, mais au contraire, s’enrichit et tire profit de ses atouts.

Ensemble, ils ont pour défi la fondation d’un peuple qui deviendra une « lumière de Dieu pour les nations ». Moïse est la source de « l’huile pure » qui nourrit « la lampe éternelle », mais la mission d’Aharon n’est pas moindre : il doit introduire la lumière dans la réalité et dans le monde « du soir jusqu’au matin ». Forger une nation qui véhiculera la grandeur et la perfection de Dieu, dans un monde, par définition, fini et imparfait, requiert des agents de taille. A cette fin, différentes forces sont mobilisées : Moïse, qui enseigne la Torah et transmet la sagesse, et Aharon, le champion du Service divin qui a le pouvoir d’élever vers Lui, le matériel. Ils vont s’allier pour créer et conduire Israël durant les quarante années que dure le périple jusqu’en Terre promise.

LE MODELE DE George MITCHELL

Les pourparlers indirects, Aharon connaît. Il s’agit même de sa marque de fabrique. Le Tsadik s’était fixé pour objectif de recréer les liens entre les individus qui s’étaient disputés. Il allait à la rencontre de chacune des parties, lui racontait combien l’autre regrettait son attitude, jusqu’à ce que les deux amis acceptent de se pardonner mutuellement. À côté, mère Térésa, Rabin ou Obama ne font pas le poids. Aharon est sans conteste celui à qui revient le prix Nobel de la Paix.

À tel point qu’Hillel disait : « Soyez comme les disciples d’Aharon, aimant la paix et la poursuivant, aimant toutes les créatures et les rapprochant de la Torah. »
C’est aussi par amour de la paix qu’Aharon a participé à l’incident du veau d’or. Son but : prévenir la dissension au sein du peuple et chercher à gagner du temps jusqu’au retour de Moïse. Il avait compris l’erreur des siens, mais savait aussi que s’il refusait de participer ou les réprimandait, les Hébreux agiraient de leur propre chef, et sans entrave. Il se résout alors à les rejoindre et à lancer le processus, certain que Moïse ne sera plus très long.

Il les prie tout d’abord d’ôter leurs boucles d’oreilles, espérant qu’ils rechigneraient à se séparer de leurs bijoux, mais le peuple se hâte d’obtempérer. Alors Aharon fond l’or, et façonne, seul, l’objet de la faute. Ayant achevé le veau, il entreprend de bâtir un autel. Et d’insister sur le fait que seul le Grand Prêtre pouvait accomplir cette tâche. Il refuse toute aide et y passe la nuit, priant pour le prompt retour de son petit frère. Mais Aharon avait sous-estimé le zèle du peuple. Le lendemain, alors qu’Aharon dort encore, les fauteurs se lèvent très tôt, déifient le veau et l’adorent.

Le dévouement d’Aharon transparaît surtout lorsque les versets décrivent les émouvantes retrouvailles des deux frères, au pied du mont Sinaï. Soixante ans plus tôt, jeune homme de vingt ans, Moïse avait fui l’Egypte. Désormais berger de 80 ans, il est sur le chemin du retour, mandaté par Dieu pour libérer Son peuple de l’esclavage. Dieu alors s’adresse à Aharon et lui dit : « Va dans le désert à la rencontre de Moïse. » Le prophète obéit, le rencontre et plus que cela, « se réjouit dans son cœur ». Car en dépit de tous les tourments auxquels ils étaient exposés, il était sincèrement heureux de la promotion de son frère. Cette scène est évoquée, avec finesse et pudeur, dans les Psaumes.

Le verset précise : « La bienveillance et la vérité se sont rencontrées ; la droiture et la paix se sont embrassées. » La « vérité » et la « droiture », d’où émergent la perfection et l’immuabilité de la Torah, c’est Moïse, mais la « bienveillance » et la « paix », d’où jaillissent la diversité et l’harmonie de la Création, aucun doute, c’est Aharon.

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Werthenschlag

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