Un an après la sortie d’Égypte, l’Eternel demanda aux Hébreux d’offrir un sacrifice afin de commémorer la libération de la servitude. C’est l’agneau pascal que nous rappelons lors de la soirée du Seder de Pessah. Il fallait le préparer le 14e jour du premier mois, c’est-à-dire Nissan, et le consommer le même soir, selon les règles, grillé sur le feu, avec des matsot et des herbes amères.
L’une des lois permanentes pour un sacrifice est que si le moment où on doit l’offrir est passé, il n’y a pas moyen de le rattraper.

Mais là, il y a une exception. En effet, une question est posée au chapitre IX du livre des Nombres (verset 6-12) :

« Il y eut des hommes qui étaient impurs au contact d’un mort et ils ne purent accomplir le sacrifice pascal ce jour-là. Ils se présentèrent le même jour devant Moïse et Aaron. Et ces hommes dirent à Moïse : Nous sommes impurs au contact d’un mort ; pourquoi serions-nous privés de présenter au temps fixé l’offrande de l’Éternel au milieu des enfants d’Israël ? Moïse leur dit : Attendez que j’écoute ce que l’Éternel vous ordonne. Et l’Éternel parla à Moïse et dit : Parle aux enfants d’Israël et dis-leur : Si un homme parmi vous ou de vos descendants est impur au contact d’un mort ou est en voyage dans le lointain, il célébrera la Pâque en l’honneur de l’Éternel. C’est au second mois qu’ils la célébreront, le quatorzième jour, entre les deux soirs ; ils la mangeront avec des pains sans levain et des herbes amères. Ils n’en laisseront rien jusqu’au matin et ils n’en briseront aucun os. Ils la célébreront selon toutes les ordonnances de la Pâque. »

Le Talmud (Souka 25b) explique la situation. Des hommes s’étaient occupés d’enterrer un mort qui n’avait pas de famille et pour qui il y a une obligation toute particulière puisqu’il est «Met mitsva». Or, le septième jour de leur impureté tombait la veille de Pessah. Ils demandèrent donc à Moïse d’accélérer le processus de purification pour pouvoir manger le sacrifice le soir même. Moïse leur précisa, après avoir reçu la réponse de l’Eternel, qu’ils pourraient manger dans les mêmes conditions le mois suivant, le 14 Iyar.

C’est l’origine du Pessah chéni, le second Pessah.

Il y a deux points que je veux noter. Le premier est que le mérite de cette précision de la loi a été mis au crédit de ces hommes car ils voulaient sincèrement participer à l’élan commun du sacrifice, au partage et aux rites. Il est important de se sentir concerné, de s’intéresser, de s’investir dans la construction de notre judaïsme et non pas de le « consommer » comme on nous dit de le faire. Leur désir sincère de bien faire a poussé Moïse à préciser ce qui restait encore flou.

Et puis, tout le monde connaît le Korekh, ce «sandwich » composé de Matsa, d’herbes amères et de Harosset, ordonné par Hillel l’ancien, que nous consommons lors de la soirée pascale, juste avant le repas. Le texte que nous prononçons est le suivant :

«En souvenir du Temple, selon l’usage de Hillel l’ancien. Lorsque le Temple existait, il assemblait l’agneau pascal, la matsa et le maror et les consommait ensemble, afin d’accomplir ce qui est écrit : Sur des matsot et des herbes amères, ils le consommeront».

C’est bien notre passage des Nombres IX qui est cité par le Maître de la Michna. Mais si nous voyons que Hillel était si méticuleux sur la réalisation des commandements de Pessah, pourquoi appuyer son raisonnement sur un verset qui donne la solution pour une « deuxième chance », une forme de rattrapage, plutôt que de baser sa logique sur les versets ordonnant de réaliser le sacrifice idéal du mois de Nissan, celui normal de Pessah ?

Et c’est peut être le sens profond de Pessah chéni. Ce que veut dire Hillel l’ancien, c’est que cette envie de bien faire, ce désir de revivre la libération d’Egypte sont la base de l’engagement du peuple juif. La foi, la confiance, les épreuves, la souffrance, l’espoir, la rédemption, tout ce que signifient les trois éléments que sont l’agneau, la matsa et l’herbe amère ont besoin d’un quatrième élément, celui qui va leur donner leur sens profond, et qui est la volonté de vivre tout ceci avec ses frères, comme un peuple, «Kéich ékhad, bélev ékhad», comme un seul homme, d’un seul cœur. Et peut importe si les uns consommaient le sacrifice en Nissan et les autres en Iyar, la force de leur conviction et de leur élan transcendait le temps et faisait d’eux, malgré tout, des contemporains, c’est-à-dire, étymologiquement, des hommes qui partagent le temps.

Ainsi, malgré les 3500 ans qui semblent nous séparer de l’événement libérateur de nos ancêtres, nous pouvons à notre tour sortir d’Egypte, sortir de notre Egypte, si nous devenons les contemporains de Moïse et Aaron, si nous désirons sincèrement partager l’engagement du peuple d’Israël.

Grand Rabbin ‘Haïm Korsia

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