L’émouvant hommage d’Israël au père de Jean-Pierre Foucault
par Alain Vincenot France-Soir

Dans sa jeunesse, Jean-Pierre Foucault s’interrogeait sur la médaille de la Résistance rangée au fond d’un tiroir du bahut de la salle à manger. Quand il demandait des explications à son père, il obtenait pour toute réponse : « Rien. Ce n’est rien. » « En fait, dit Jean-Pierre Foucault, mon père évitait de parler de l’Occupation. Je pense qu’il se taisait par respect pour ma mère qui avait perdu neuf membres de sa famille dans les camps de la mort. »

La fuite de Moglienica

Peu avant que les armées nazies n’envahissent la Pologne, en septembre 1939, l’antisémitisme grandissant avait poussé Pessa Leska à fuir sa petite ville, Moglienica, non loin de Varsovie, où son père était boulanger. Elle avait 22 ans. Plus tard, elle dira : « En disant au revoir à mes parents et à mes frères et sœurs, je ne me doutais pas que c’était la dernière fois que je les embrassais. » Elle réussira miraculeusement à traverser l’Allemagne sans visa, jusqu’à la Belgique. Sa sœur, Anna, et son mari, Mathys, tenaient une épice fine à Anvers. Ils avaient deux bambins, Paulette et Maurice. Ils l’accueillirent. Toutefois, quand les troupes hitlériennes bousculèrent sans difficulté la petite armée belge, la jeune Pessa reprit sa valise et partit pour la France. D’abord Paris, puis Marseille. « Ma mère, dit Jean-Pierre Foucault, estimait que pour se cacher, une grande ville, où on pouvait se fondre dans la foule, était préférable à la campagne, où on est aisément repérable. » Aussi, quand sa sœur et sa famille, qui devant les dangers à croix gammée avaient fini par s’éloigner d’Anvers, décidèrent de se réfugier dans un village des Hautes-Alpes, Aiguebelette-le-Lac, elle ne resta pas avec eux, préférant l’anonymat de la cité phocéenne.

Et Pessa devint Paula

C’est là que Pessa, qui allait franciser son prénom en Paula, rencontra Marcel Foucault. Originaire du Poitou, il avait fondé une société d’import-export de fruits et légume. Il allait la cacher. Puis, quand sa sœur Anna sera arrêtée à Aiguebelette, il allait également cacher Paulette et Maurice. Mathys, lui, avait pris la fuite, persuadé que les Allemands ne s’en prenaient pas aux femmes et aux enfants. Agent de liaison dans la Résistance (Petites Ailes, Vérité, Combat, MUR), Marcel Foucault s’était également spécialisé dans la fabrication de faux papiers, notamment pour des Juifs traqués. Ainsi, Pessa Paula Leska, Juive Polonaise, devint Paulette Lefèbvre, catholique, née à Brive-la-Gaillarde, en Corrèze.

Elle épousera Marcel Foucault le 22 mars 1947 à la mairie de Marseille. Plus tard, elle dira à son fils : « Le peu de famille que j’ai aujourd’hui, c’est à ton père que je le dois. » Marcel Foucault avait cinquante-deux ans, un mois et huit jours, lorsque, le 22 février 1962, il fut assassiné de deux balles dans le dos par des inconnus devant le 18, rue Michelet, devenue depuis rue Didouche-Mourad, à Alger. Sa société d’import-export avait un bureau à cette adresse. « Ce jour-là, ma mère a vu une nouvelle fois sa famille martyrisée, confie Jean-Pierre. Mais, comme toujours, elle fit preuve d’un courage exceptionnel. Et si, un jour, elle a décidé de se confier, de raconter la guerre, la crainte permanente d’être arrêtée, le courage de celui qui allait devenir mon père, c’est à la demande de ma fille Virginie. »

Une immense fierté

Pour Jean-Pierre, l’attitude de son père sous l’Occupation l’emplit « d’une immense fierté ». « Nul ne sait ce qu’on aurait fait dans de telles circonstances. Nous serions-nous abandonnés à la facilité, à l’obéissance aveugle, à la lâcheté ou bien aurions-nous pris le risque d’être en accord avec nous-mêmes, avec notre conscience ? » Il ajoute : « Quand vous apprenez que votre père s’est comporté avec honneur et dignité, sans jamais par la suite en faire état, vous êtes admiratif. D’autant que par la suite il n’a pas eu de chance. » Il précise qu’il lui a « transmis le goût du travail bien fait, le sens de l’honnêteté, le respect de la parole donnée, la ponctualité ». Aujourd’hui, au Mémorial Yad Vashem de Jérusalem, le dossier 11462 porte le nom de Marcel Joseph Foucault.

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