A la veille de nouvelles sanctions occidentales contre la République islamique, accusée de vouloir se doter d’un arsenal nucléaire, la situation économique et surtout monétaire se dégrade en Iran. Au cours de ces trois dernières semaines, la monnaie nationale, le rial, a perdu 30 % de sa valeur face au dollar, en dépit des efforts de la banque centrale iranienne.

Dans un marché de Téhéran en 2008.AFP/ATTA KENARE

La raison semble surtout être d’ordre psychologique. « Les 200 millions de dollars injectés sur le marché n’ont pas donné de résultats et le rial a poursuivi sa chute. Les gens sont inquiets pour l’avenir. C’est pourquoi ils se ruent sur le dollar », note Mohammad-Reza Djalili, professeur honoraire à l’Institut des hautes études internationales et du développement, à Genève.

Au cours officiel, le dollar s’échange à quelque 14 000 rials, mais sur le marché informel il dépasse les 17 000 rials. « Ceux qui ont accès au dollar officiel sont ceux qui sont proches du pouvoir. Ils le revendent au marché noir. Une nouvelle forme de corruption est ainsi apparue et grandit », ajoute M. Djalili.

Le 23 janvier, l’Union européenne (UE) devrait annoncer un embargo sur le pétrole iranien. Si les recettes de la République islamique proviennent pour 80 % de l’or noir, l’UE ne dépend que pour 18 % du pétrole iranien. La France n’achète à Téhéran que 5 % de ses importations. La Grèce, l’Espagne et l’Italie, elles, importent d’Iran 15 % de leurs besoins. Il faudra environ six mois pour que cet embargo soit effectif, le temps que ces trois pays puissent se retourner.

Quel sera l’effet de cet embargo ? C’est toute la question, la grande majorité de l’or noir iranien étant achetée par l’Asie. La Chine est le premier client de l’Iran, suivie du Japon, de l’Inde et de la Corée du Sud. Le Japon vient de céder aux pressions américaines et a annoncé, le 12 janvier, qu’il s’engageait à réduire ses importations de brut iranien (soit 10 % de ses besoins).

LA POPULATION TRÈS TOUCHÉE

Presque aussitôt, la Chine a fait savoir qu’elle restait décidée à se fournir en pétrole iranien. Pékin pourrait augmenter ses achats de brut à l’Iran. De son côté, Téhéran pourrait choisir de brader son pétrole, prévoient les experts.

Sur place, en Iran, les sanctions internationales touchent pour l’instant davantage la population que le régime. Les biens de consommation et d’équipement sont encore disponibles sur le marché, mais à des prix exorbitants, et l’inflation est galopante (de l’ordre de 20 %). Le taux de chômage est officiellement de 10 %, mais les spécialistes l’évaluent au moins au double, et même à 25 % au moins chez les jeunes, particulièrement chez les diplômés. Pas d’indication officielle sur le taux de croissance mais on estime qu’en 2011, il aura tourné autour de 2 %.

« Les gens ne sont cependant pas prêts à descendre dans la rue. Ils souffrent, mais ils ont pris l’habitude d’endurer et de tenir bon, depuis trente ans que leur pays est soumis à des sanctions », relève Thierry Coville, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), à Paris.

La solidarité familiale reste forte, de même que l’aide apportée par les réseaux religieux. Pour Thierry Coville, la classe moyenne est celle qui souffre le plus, tandis que les plus démunis bénéficient d’aides mieux ciblées qu’autrefois de la part du pouvoir, en particulier depuis que l’énergie et le pain ont cessé d’être subventionnés.

Dans l’immédiat, le régime ne paraît pas être aux abois. Les réserves en devises sont encore importantes : Téhéran dispose d’un an d’importations et son endettement extérieur est faible.

Le principal problème est celui des transactions financières. En raison des sanctions, les banques internationales se refusent à traiter avec leurs homologues iraniennes, ce qui paralyse les opérations commerciales.

La Grande-Bretagne a coupé tous les ponts avec Téhéran. Les Etats-Unis veulent empêcher la banque centrale iranienne d’être opérationnelle. Ils ont annoncé à plusieurs reprises qu’ils gèleraient les avoirs de toute institution financière étrangère qui commercerait avec elle. Pour se fournir sur le marché international ou se faire payer ses livraisons de pétrole, l’Iran passe par des banques turques ou pratique le troc. La Chine déverse ainsi sur les étals iraniens quantité de produits bas de gamme pour régler une partie de ses factures pétrolières.

Le régime iranien finira-t-il par plier ? La France veut y croire. « Notre stratégie est celle de la double approche : dialogue et sanctions », dit-on au Quai d’Orsay. Si Mohammad-Reza Djalili n’exclut pas que cette stratégie puisse, à terme, faire céder Téhéran, Thierry Coville est plus sceptique. « L’objectif des Occidentaux n’est pas très clair. Derrière la question du nucléaire, se cache un non-dit : faire tomber le régime, analyse-t-il. Or il n’y a pas d’exemple historique d’embargo économique qui ait réussi. »

Florence Beaugé

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