Il y a une dizaine de jours, à l’école des Pagodes à Bruxelles, une jeune adolescente, Océane Sluijzer, était victime d’une agression antisémite de la part de condisciples de son âge. Les parents ont déposé plainte évidemment ; le Centre pour l’égalité des chances les soutient dans leurs démarches.

Phénomène d’autant plus interpellant qu’il s’agit de jeunes adolescents, mais qui soulève en effet la question : l’antisémitisme est-il en recrudescence ?

Quand on regarde les chiffres, depuis 2004, ils sont stables : à peu près 60 actes d’antisémitisme par an de toutes natures, ce qui est considérable, car ce n’est que la face émergée de l’iceberg (beaucoup de victimes ne portent pas plainte) et parce que 60 actes d’antisémitisme, c’est beaucoup pour une communauté de quelques dizaines de milliers de personnes (à peine 0,3%, 0,4% de la population).

Parmi ces 60 actes d’antisémitisme, on voit que le nombre des agressions physiques est en baisse. Est-ce que cela veut dire que les membres de la communauté juive exagèrent, qu’ils font dans la « victimisation » comme on dit  ?

Pas du tout. Leur inquiétude, réelle, est légitime. Mais s’ils ont peur, c’est moins, je crois, parce que l’antisémitisme augmente que parce qu’il change, se diversifie et échappe en partie à toute prise. Et c’est ça qui fait peur.

D’abord, il y a Internet, ce qu’on appelle la « cyberhaine », où les Juifs sont une cible privilégiée. Il y a ensuite le conflit entre Israël et la Palestine. Dans l’esprit de certains, il y a complet amalgame entre la politique de l’Etat d’Israël et les Juifs de la diaspora, qui sont pourtant deux choses différentes.

En 2009, au plus fort de la guerre de Gaza, les actes d’antisémitisme ont doublé en Belgique, pour retrouver leur niveau moyen, je mets les guillemets, en 2010. Preuve qu’il y a bel et bien glissement entre sentiment anti-israélien et antisémitisme.

Et puis, pas de tabou, il y a une montée de l’antisémitisme chez certains jeunes musulmans de Belgique. Pas de tabou, mais pas d’amalgame non plus : je ne parle pas de la communauté musulmane dans son ensemble, mais de certains jeunes musulmans chez qui frustration sociale, engagement pro-palestinien, intégrisme religieux et ignorance de l’histoire, forment un sale cocktail qui débouche parfois sur de l’antisémitisme pur et simple.

Et le dernier problème, c’est qu’il y a une réelle difficulté juridique à lutter contre l’antisémitisme. Pourquoi ? Parce que l’antisémitisme commence toujours par des mots : des clichés (les Juifs et l’argent, etc.), par exemple, qui deviennent des injures, puis des discours de haine, pour déboucher comme dans le cas d’Océane sur des agressions physiques.

Mais avec les mots, nous sommes dans le champ de la liberté d’expression, qui n’est pas sans limites, certes, mais qui est très bien protégée en Belgique, ce dont, en soi, on peut se réjouir. L’injure orale, par exemple, n’est pas punissable chez nous, contrairement à la France. Donc faire un procès pour incitation à la haine ou pour négationnisme, en Belgique, est très difficile.

Cela donne le sentiment à la communauté juive que la justice, ou une institution comme le Centre pour l’égalité des chances, n’agissent pas. Ce qui est totalement faux : le Centre porte plainte à chaque fois acte ou propos antisémite punissable par la loi.
 

Comme il y a quelques semaines, par exemple, contre le Député populiste Laurent Louis. Mais les conditions juridiques pour s’attaquer à l’antisémitisme sont difficiles à remplir et cela doit aussi être un objet de réflexion.

Un de plus pour le prochain Gouvernement.

Edouard Delruelle

RTBF.be

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