L’ICEBERG DE LA COMMUNAUTÉ JUIVE

Tout le monde sait ce qu’est un iceberg : un bloc de glace d’eau douce dérivant sur la mer. 90 % du volume est situé sous la surface de l’eau et 10 % – la partie émergée – flotte au-dessus de la mer. Dans le contexte actuel de la campagne électorale qui se déroule en ce moment pour le renouvellement de la moitié des membres du conseil du Consistoire de Paris, on me permettra cette comparaison, sans doute, surprenante : chaque institution de la Communauté juive n’est, en réalité, qu’une sorte d’iceberg, dont nos coreligionnaires ne voient qu’une toute petite partie. Ce qui est vrai pour les Consistoires est également vrai pour le Fonds Social Juif Unifié et pour le CRIF, mais cela s’applique tout aussi bien pour les Commissions administratives des synagogues. Le public n’observe que les expressions extérieures visibles de ces associations : déclarations officielles, commémorations, discours, manifestations événementielles. Et il ne se fait une opinion que sur ce qu’il voit, ce qu’il entend ou ce qu’on lui rapporte.

Lorsque des conflits ou des polémiques apparaissent au grand air notamment à l’occasion d’élections, l’homme de la rue ne comprend pas ce qui se passe. D’où l’incompréhension, face à des récriminations et des critiques dont on ne perçoit pas exactement le sens. Parfois, certaines allusions perfides, certaines déclarations assassines tombent à plat vis-à-vis d’un auditoire qui ne comprend rien de ce déballage public, c’est là toute la différence entre ceux qui vivent mal au quotidien « intra-muros » certaines conduites mal acceptées, certaines dérives inadmissibles, et ceux qui jugent de l’extérieur, sans avoir toujours l’information correcte. Pour se forger une opinion objective et complète sur ce qui se passe sous la surface de l’eau, il faudrait que les élus en place puissent s’exprimer et faire connaître exactement ce qui les dérange à l’intérieur de l’association. Du reste, ils ont été certains à proclamer, « il faut démissionner, si quelque chose ne vous convient pas ! ». C’est là une erreur grave. Si quelqu’un a été élu, il doit défendre, bec et ongles, sa conception du judaïsme, même si cela ne plaît pas à tous. Quant à l’omerta communautaire qui consiste à se taire, face à certaines dérives qui pourraient entacher l’image de la Communauté juive, il faut bien se dire que cela arrange bien ceux qui les commettent !

Pour ce faire, je suggère qu’à intervalles réguliers – au moins une fois par an ou à l’occasion d’une élection – des débats publics, voire des conférences de presse, se tiennent pour informer les fidèles de ce qui se passe réellement « sous la mer ». L’expérience prouve que les assemblées générales, ces grandes messes, où seuls les dirigeants s’expriment, n’attirent que très peu de monde, et sans vrai débat. Ne serait-il pas plus intéressant de lancer périodiquement des sondages où tous les acteurs en cause donneraient leur avis sur le management, de façon à prévenir les conflits qui éclatent brutalement, sans que l’on s’y attende?

Décidément, il y a beaucoup à faire pour améliorer la gouvernance de nos associations juives !

Moïse COHEN
Président d’Honneur du Consistoire de Paris