La mesure va être annoncée le 30 janvier, le jour du sommet des Vingt-Sept.
Une nouvelle partie d’échecs se noue face à Téhéran. Pour contraindre la République islamique à renoncer à la menace nucléaire, l’Union européenne s’apprête à user de son arme économique la plus dissuasive: un embargo sur les importations de pétrole iranien, fortement appuyé par les États-Unis.

Officiellement, les diplomates européens travaillent à des «restrictions» à l’importation, voire à un embargo «par paliers». Mais à Bruxelles, Washington ou Téhéran, rares sont ceux qui doutent encore que l’Europe, premier client pétrolier de l’Iran, est bien décidée à sauter le pas, sans retour. «Les sanctions partielles n’ont rien donné, elles ont au contraire endurci le régime, dit-on à Bruxelles. Il faut maintenant frapper là où ça fait mal.»

La décision devrait être prise à l’unanimité des vingt-sept États, le 30 janvier, par les ministres des Affaires étrangères. Un sommet européen, attendu le même jour, pourrait venir renforcer le message politique. Dans le bras de fer nucléaire, le temps presse. L’Iran enrichit déjà l’uranium à un degré de pureté sans rapport avec un usage civil et prévoit d’accélérer la production. «On est à douze ou quinze mois d’une crise majeure» de prolifération, s’inquiète un diplomate européen.

À deux mois des législatives

Le calendrier politique pousse à agir vite. L’Iran connaîtra dans deux mois ses premières élections parlementaires depuis le scrutin présidentiel contesté de 2009. L’objectif inavoué des Européens semble de discréditer davantage le clan de Mahmoud Ahmadinejad, aux yeux d’Iraniens déjà éreintés par l’inflation. Côté occidental, la fenêtre est aussi étroite: l’initiative politique risque d’être bientôt paralysée dans les deux pays en pointe, avec la présidentielle française en mai, puis la course à la Maison-Blanche.

Jamais à court de bravade, le régime dit qu’il pourrait interdire le couloir maritime à la Ve flotte américaine, voire imposer un blocus en cas d’embargo. Le marché lui-même s’en ressent. Les cours du brut se sont tendus et, d’après les professionnels, les banques refusent de financer désormais les exportations iraniennes.

Le recours à l’embargo, ultime degré dans l’échelle des sanctions économiques, est aussi un pari à haut risque. Le pétrole fait tourner 60 % de l’économie iranienne et lui procure 80 % de ses devises. Il est bien sûr vital pour l’Iran. Mais, à l’inverse, des Européens au bord de la récession n’ont rien à gagner d’une pénurie et d’une flambée des cours. De plus l’arme n’est efficace que si elle est partagée. L’UE priverait Téhéran de 20 % environ de son marché. Reste à dissuader les autres clients majeurs comme la Chine, l’Inde, le Japon et la Corée du Sud de se jeter sur l’aubaine et de combler le vide.

Réticences italiennes

À l’approche de l’échéance, le ballet diplomatique s’accélère. L’Iran est le second producteur de l’Opep, l’Arabie saoudite «reste dans tous les scénarios la seule alternative possible» dit-on à Bruxelles. C’est là que Washington, protecteur traditionnel de la monarchie wahhabite, rentre dans le jeu. «L’objectif est que le Japon et la Corée suivent l’Europe (en respectant l’embargo, NDLR) et que la Chine comme l’Inde ne viennent pas prendre leur place», avance un haut responsable.

Dans la dernière ligne droite, il reste enfin à surmonter d’ultimes réticences dans l’UE. L’Italie, à laquelle Téhéran rembourse en pétrole des crédits de 2 milliards de dollars, n’entend pas fermer les yeux sur sa créance pour cause d’embargo. La Grèce, qui raffine le brut iranien à destination des Balkans, tient à garder ces marchés d’autant plus fructueux qu’elle s’approvisionne à crédit. L’embargo est arrêté dans son principe. La mise en œuvre pourrait réclamer jusqu’à six mois.

Jean-Jacques Mevel

Le Figaro.fr

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Face aux sanctions, Téhéran est tenté par l’escalade

Des sanctions européennes et américaines contre le pétrole pourraient encore aggraver les tensions.

Face aux sanctions qui font de plus en plus mal, Téhéran choisit une nouvelle fois de montrer ses muscles. Le site souterrain d’enrichissement d’uranium de Fordow, près de Qom, sera bientôt opérationnel, a déclaré dimanche Fereydoun Abbasi Davani, le chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique. Quitte à durcir encore le contentieux sur le nucléaire.

Vendredi déjà, le patron des forces navales des Gardiens de la révolution avait annoncé la tenue en février de manœuvres dans le détroit d’Ormuz, que Téhéran menace de fermer, si les Occidentaux continuent de le sanctionner.

Ces manœuvres feront suite à de précédents exercices organisés à Noël dans le Golfe persique. Dimanche, le chef du Pentagone Leon Panetta a prévenu que les États-Unis «répondront» par la force si l’Iran cherche à bloquer le détroit d’Ormuz, évoquant une «ligne rouge» à ne pas franchir. Dimanche, le chef du Pentagone Leon Panetta a prévenu que les États-Unis «répondront» par la force si l’Iran cherche à bloquer le détroit d’Ormuz, évoquant une «ligne rouge» à ne pas franchir.

Des messages apparemment contradictoires

«Le régime est maintenant le dos au mur», prévient un homme d’affaires proche du pouvoir à Téhéran. «Il a deux options: négocier ou alors créer un dérapage pour tenter une sortie par le haut.» D’où les deux messages apparemment contradictoires adressés ces dernières semaines par l’Iran: d’un côté, le rappel de sa disponibilité à négocier sur le nucléaire, de l’autre la menace de fermer le détroit d’Ormuz, goulet par où transite plus d’un tiers du pétrole mondial.

En position de force, les durs rassemblés autour des Gardiens de la révolution et des radicaux conservateurs influents au Parlement et autour d’Ali Khamenei, le guide et numéro un du régime, pourraient être tentés par une escalade. «Les radicaux ont le sentiment que les Occidentaux veulent renverser le régime, poursuit l’industriel. Ils sont convaincus que même s’ils acceptaient de négocier sur le nucléaire, les Occidentaux sortiraient ensuite le dossier des droits de l’homme.»

Et la proximité d’avec les élections législatives de mars risque de favoriser encore la surenchère. La pression sur le taux de change est désormais très forte. En quelques jours, fin décembre, le rial a perdu 30 %, alors qu’il avait été stable ces dix dernières années.

Un manque de liquidités

«Même si le pouvoir décide de limiter les importations non essentielles, il n’a plus de liquidités pour tenir longtemps», avertit l’industriel iranien. D’autant que les prochaines sanctions européennes et américaines contre le pétrole vont encore aggraver les tensions.

«Quand on vous empêche de vendre du pétrole qui représente 70 % de vos exportations, c’est la guerre économique qui est déclarée», constate l’observateur, qui redoute un «malentendu dans le Golfe: un pétrolier qui serait coulé suite à un avertissement ignoré».

D’autres, tout aussi alarmistes, craignent un scénario comme celui qui déclencha la seconde guerre du Golfe. Lorsqu’à l’été 1990, le Koweït fit baisser les cours du pétrole en inondant le marché, privant Saddam Hussein de ressources pour financer la reconstruction de son pays, après huit ans de guerre face à l’Iran. Et le conduisant finalement à envahir l’émirat voisin.

Georges Malbrunot

Le Figaro.fr

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La Chine espère bénéficier du pétrole perse à moindre coût

Pékin est le premier acheteur de l’or noir iranien, avec quelque 550.000 barils par jour l’an dernier.

Le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, reprend demain le chemin de Pékin. Et cette fois-ci, le sujet essentiel n’est pas le yuan mais l’Iran. L’envoyé d’Obama – qui se rendra ensuite au Japon – doit s’efforcer de convaincre Pékin de souscrire aux nouvelles sanctions occidentales.

Le jeu va être serré, car la Chine n’entend pas lâcher sur l’Iran comme sur la Libye, même si elle peut faire montre de souplesse. Sur l’affaire iranienne, Pékin affirme s’en tenir à des positions de principe. En considérant que les sanctions ne sont jamais une politique efficace.

En se tenant à la «non-interférence» dans les affaires d’un autre pays. Et en répétant qu’elle ne suivra que des décisions de l’ONU, qu’elle peut influer ou bloquer, et pas des mesures unilatérales. «La Chine s’oppose à ce que l’on place des lois nationales au-dessus du droit international pour imposer des sanctions unilatérales», a rappelé le ministère chinois des Affaires étrangères.

Des échanges bilatéraux de 30 milliards de dollars

La Chine est le premier acheteur de pétrole iranien, avec quelque 550.000 barils par jour l’an dernier. Elle est le premier partenaire commercial de l’Iran, avec des échanges bilatéraux qui ont bondi de 400 millions à 30 milliards de dollars en quinze ans.

En cas de sanctions pétrolières, les Iraniens voudraient rediriger une partie de leurs exportations vers la Chine. Ce n’est pas si simple. Pékin a déjà diminué de moitié ses achats de brut iranien en janvier et pourrait continuer sur cette ligne. Dans tous les cas, les Chinois veulent obtenir de jolis rabais.

Washington exerce aussi une pression sur la Chine en faisant planer une menace sur certaines de ses entreprises. Des élus américains ont demandé une enquête sur le géant des télécommunications chinois Huawei, dont les agissements seraient en violation avec les sanctions américaines. Celles-ci stipulent que toute compagnie qui exporte de la technologie sensible vers l’Iran ne peut signer de contrat avec l’Administration américaine.

À la recherche d’une posture équilibrée

Huawei aurait fourni à Téhéran des équipements permettant de localiser des usagers grâce à leur téléphone portable. En 2010, des sociétés chinoises avaient déjà été accusées d’avoir livré à l’Iran, via Taïwan, une centaine de jauges utiles aux centrifugeuses servant à enrichir l’uranium.

Pour Shi Yinhong, professeur de relations internationales à l’université du Peuple à Pékin, la Chine «veut s’en tenir à ses principes tout en cherchant une posture équilibrée». Du coup, estime-t-il, elle mécontente tant les Occidentaux que l’Iran qui ne se trouve pas assez soutenu.

Jean-Pierre Cabestan, professeur à la Hong Kong Baptist University, estime lui que deux choses peuvent faire bouger Pékin: «Que les Russes évoluent nettement ou que les risques de guerre augmentent franchement.»

Arnaud de La Grange

Le Figaro.fr

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