On voit se mettre en place ces jours-ci une nouvelle configuration idéologique, une nouvelle distribution des cartes du jeu politique. Celà se manifeste par des prises de position, des livres, des déclarations, ici ou là. On ne peut que constater que cette nouvelle donne orchestre le retour de la nation. On se souvient que ce thème fut trainé dans la boue quand Sarkozy avait voulu le réactualiser dans le débat sur l’identité nationale. La nouveauté, c’est qu’aujourd’hui il se voit au contraire promu par ceux qui le critiquaient, c’est à dire une partie de la gauche, de l’intelligentsia qui se dit « éclairée », voire – et c’est le plus caricatural – des journalistes et des publicistes soudainement devenus complaisants et pleins d’égard…

La deuxième caractéristique de cette nouvelle donne, c’est que parmi ses têtes de proue nombreux sont les leaders d’opinion d’origine juive. Celà n’est pas dénué de sens sur le plan symbolique car l’alliage du signe juif avec la figure de la nation s’inscrit justement dans cette nouvelle configuration stratégique.

Elle pourrait marquer le début du reflux du multiculturalisme. C’est un événement très positif car il donne peut-être le signal de la fin de la décomposition sociale et politique en cours. N’oublions pas que le multiculturalisme est allé de pair avec le nouvel antisémitisme.

Cependant, cette évolution – ce tournant – est aussi lourd d’incertitudes. Tout d’abord parce qu’elle ouvre aussi la porte à la version de la nation dans laquelle le Front National ou certains secteurs d’opinion de la « manif pour tous » se reconnaissent. Nous avons beaucoup d’indices pour penser que leur opinion sur la communauté juive n’est pas positive.

Mais aussi il n’est pas du tout sûr que dans leur défense et illustration de la nation, les leaders d’opinion juifs aient une vision positive du judaïsme français qu’ils considèrent comme un « communautarisme », voire le principe et le responsable de tout communautarisme en France, responsable de la crise du modèle d’intégration français.

Il faut rappeler pour comprendre la situation que l’identité juive contemporaine d’après la seconde guerre mondiale s’est adossée en France à la nation pour se construire, au point que sa crise actuelle – une crise très réelle dont personne ne parle – a découlé de l’effondrement du cadre national durant ces 20 dernières années.

Le danger potentiel, c’est que le renforcement actuel de la nation risque de ne plus la porter, ni la supporter. Il n’aurait de sens favorable en effet que s’il est accompagné du renforcement de l’Etat et du droit des citoyens.

Or, on se demande comment celà serait possible dans le cadre de l’Union Européenne qui leur est, du fait de l’unification, fondamentalement antagonique. Le fait que ses instances opposent sans cesse les droits de l’homme aux droits du citoyen parle de lui même.

C’est l’unification européenne qui a produit le marasme et l’impasse dans lesquels nous nous trouvons et dont on ne peut se dépêtrer. Si le retour de la nation n’est pas maîtrisé par la citoyenneté il pourrait tomber aussi dans la brutalité. La démocratie, c’est l’équilibre, la tension réciproque, la négociation permanente entre la nation et l’Etat.

*Tribune sur Radio J le 25 octobre 2013.

Shmuel Trigano

TAGS : Identité Nationale France UE Multcultralisme démocratie

Nation etat Sarkozy

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Le Prix des Impertinents 2013 remis à Shmuel Trigano

Le Prix des Impertinents, qui récompense un essai s’inscrivant à contre-courant de la pensée unique, a été attribué, le 22 octobre 2013, à Shmuel Trigano, pour La nouvelle idéologie dominante, paru aux éditions Hermann.

22 octobre 2013

Le jury, présidé par Jean Sévillia, réunit Christian Authier, Jean-Marc Bastière, Jean Clair, Bruno de Cessole, Gabrielle Cluzel, Louis Daufresne, Chantal Delsol, Paul-François Paoli, Rémi Soulié, François Taillandier et Eric Zemmour.

Le Prix des Impertinents a été remis à Shmuel Trigano au restaurant Montparnasse 1900, partenaire du prix.

Prix des Impertinents 2012 : Denis Tillinac, Considérations inactuelles
Prix des Impertinents 2011 : Richard Millet, Fatigue du sens, éditions Pierre-Guillaume de Roux.
Prix des Impertinents 2010 : Michèle Tribalat, Les yeux grand fermés. L’immigration en France, Denoël.
Prix des Impertinents 2009 : Claire Brière-Blanchet, Voyage au bout de la Révolution, de Pékin à Sochaux, Fayard.

lesalonbeige.blogs.com Article original

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