La rumeur courait dans les bistrots branchés qui ont éclos ces dernières années autour de Mahane Yehuda, le grand souk de Jérusalem. C’est désormais une certitude. »On voit de plus en plus d’habitants de Tel-Aviv venir ici dîner et prendre du bon temps », confirme Assaf Granit, un chef en vogue de la cité trois fois sainte. Les cinq restaurants qu’il a ouverts, depuis 2009, dans sa ville natale, ne dépareraient pas dans les quartiers à la mode de Londres ou de Berlin.

Jusqu’alors, la répartition des rôles semblait bien établie : à Tel-Aviv, hédoniste et moderne, on fait la fête jusqu’à plus soif. Tandis qu’à Jérusalem, austère et sacrée, on prie, on se dispute… et l’on rentre vite à la maison une fois la nuit tombée.

« Le fossé qui sépare les deux villes est en train de se combler et ça ne tient pas seulement à la liaison ferroviaire qui, d’ici quelques années, les reliera en moins d’une demi-heure.

C’est une révolution culturelle », s’exclame le guide Kobi Cooper. Ce trentenaire, Hiérosolymitain d’adoption, est intarissable sur les festivals et manifestations en tout genre qui donnent à la cité millénaire une nouvelle jeunesse.

Du plus classique (une Saison de la culture, l’été, autour de la danse, la musique et la poésie) au plus insolite (une démonstration de modèles de Formule 1, en juin 2013, au pied des remparts de la vieille ville). Même la Gay pride, longtemps perturbée par des heurts parfois violents avec les ultra-orthodoxes, semble avoir gagné ses galons de respectabilité.

VAGUE HYPE

Le paysage urbain n’échappe pas à cette frénésie d’innovations. L’un des endroits les plus courus de Jérusalem-Ouest est sorti de terre au printemps 2013, sur les restes de l’ancienne gare ottomane.

Bonnes tables, galeries d’art et commerces de bouche haut de gamme se partagent une vaste esplanade, où les riverains sont bienvenus le samedi, jour du shabbat, lorsque le reste de Jérusalem plonge dans la torpeur.

Quant à Jaffa Street, artère principale de la ville nouvelle, elle a connu une métamorphose spectaculaire avec l’inauguration du tramway en 2011. Interdite aux voitures, elle est désormais prisée des promeneurs le jour et des fêtards le soir. Résultat, certains quartiers commencent à aimanter les « bobos », une population inconnue il y a peu dans la Ville sainte.

On en croise à Nahalaot, à un jet de pierre de Mahane Yehuda. Autrefois insalubre et mal famé, ce dédale de ruelles voit aujourd’hui ses maisons pittoresques restaurées à prix d’or.

Cette nouvelle vague hype n’a rien de fortuit. D’abord parce que le souvenir de la deuxième intifada commence à s’estomper. « Les bus n’explosent plus dans la rue. On a le sentiment qu’on peut se détendre, créer de nouvelles choses », souligne Michael Weiss, directeur du portail touristique GoJerusalem.

Certains y voient aussi la patte du maire Nir Barkat. Cet ancien entrepreneur high-tech, réélu à l’automne après avoir succédé en 2008 à un ultrareligieux, proclame une ambition : retenir la jeunesse laïque qui, des années durant, a migré en masse vers des lieux plus cléments. Les festivals culturels, c’est lui.

La Formule 1 c’est encore lui.

Tout comme le marathon qui le 21 mars, pour sa quatrième édition, verra des milliers de coureurs partir à l’assaut des collines. Mais gare à ne pas faire trop vite de Jérusalem un nouveau Tel-Aviv.

« Ça ne pourra jamais être une bulle, ici, il y a trop de tensions », estime l’écrivain David Ehrlich, propriétaire du café littéraire Tmol Shilshom.

En témoignent les appels au boycott émis chaque année contre le marathon dont le parcours traverse Jérusalem-Est, revendiqué par les Palestiniens comme la capitale de leur futur Etat.

Marie de Vergès / Magazine Le Monde.fr Article original

Nuits Blanches à Jerusalem

Dans les pas de Tel-Aviv la fêtarde, la ville sainte se réveille. A l’ombre des murailles de la vieille cité pieuse et conservatrice, on sait aussi s’amuser. Reportage

C’est dans la rue de Jafa, artère principale de Jérusalem, que toutes les composantes de la société se croisent.

Soldats, familles, religieux, gamins en skateboard et anciens papotent sur un banc. Avec le tram flambant neuf, ce spot déjà très couru a retrouvé une nouvelle jeunesse.

« C’était une artère embouteillée et crasseuse désertée par les habitants car trop bruyante et polluée, se souvient Beny Karoutchi, ancien prof d’économie qui guide aujourd’hui les pèlerins du monde entier dans les lieux saints.

Grâce au tram, c’est devenu un axe de vie et les appartements situés dans les immeubles XIXe rénovés se louent désormais à prix d’or ! »

C’est aussi ici que l’on trouve d’ailleurs le Toy Bar et son immense dancefloor où toute la jeunesse hype vient s’étourdir.

Jérusalem, la ville trois fois sainte, va-t-elle s’aligner sur Tel-Aviv et devenir un lieu de pèlerinage pour les fêtards et noctambules ? La cité la plus peuplée d’Israël a entamé une véritable mue.

Et si les touristes font toujours le voyage pour visiter l’église du Saint-Sépulcre, le mur des Lamentations et le dôme du Rocher, ils bifurquent le soir venu vers les bars branchés et les bonnes tables.

Dans cette cité sainte où il était compliqué de trouver un lieu de vie après 21 heures, une révolution festive est en marche.

« On avait l’habitude de dire que le meilleur endroit pour sortir de Jérusalem, c’était la route n° 1 qui mène à Tel-Aviv ! », s’amuse Michael Katz, l’un des chefs qui fait swinguer la scène culinaire locale.

Si l’exubérante Tel-Aviv, si proche, n’en finit pas de prolonger ses nuits folles, la sage Jérusalem cultive une ambivalence bien à elle, entre journées spirituelles et nuits décalées.

Le quartier de Nahalat Shiv’a, proche de la vieille ville et de ses remparts, est le coeur vibrant de la ville.

Il y a quelques années, la rue Moshe Salomon était l’unique artère où s’alignait une poignée de restaurants et de bars. Désormais, toutes les petites ruelles alentour bougent du coucher au lever du soleil. Comme Tmol Shilshom, ce café littéraire qui attire étudiants et intellos venus grignoter un muffin et refaire le monde dans de vieux sofas fatigués.

Un peu plus loin, le Mikveh est le QG de la communauté gay et lesbienne. Ce bar musical est l’un des rares endroits où les homosexuels peuvent faire la fête sans limite, dans une Jérusalem où la communauté religieuse ultraorthodoxe veille.

« Les choses s’améliorent de jour en jour. On peut même défiler pour la Gay Pride, ce qui était impensable il y a quelques années », reconnaît Shia, une drag-queen habituée du Mikveh dont le nom, comme un pied de nez, signifie en hébreu « le bain rituel avant la prière ».

Après une nuit blanche, le pèlerinage du fêtard conduit ce dernier jusqu’au marché, dans les souks de Mahane Yehuda. Un coeur palpitant, qu’il faut arpenter un vendredi midi durant la frénésie précédant le shabbat. Durant quelques heures, on braille, on se bouscule, on rit fort et on se souhaite un bon week-end. Ne ratez pas l’étal d’Elie Basher le fromager, dont la famille propose depuis trois générations plus d’un millier de références du monde entier.

Si vous avez de la chance (ou la patience d’attendre !), prenez place à l’une des petites tables du restaurant Tsofa, l’une des adresses secrètes les mieux gardées du lieu. Ne ratez pas non plus les desserts que l’on sert directement sur la table, sans assiettes, et que l’on partage à grands coups de cuillères au resto Mahane Yehuda.

On y croise des bobos israéliens, français, américains, établis dans le quartier tout proche de Nachlaot, prisé des artistes. Comme la Barbur Gallery ou la Naima House Art du Russe Alexey Mikhailov : « Nachlaot était un quartier d’immigrants très pauvre. Aujourd’hui nous avons pour voisins des millionnaires et des familles orthodoxes. C’est une grande salade mélangée, mais elle a bon goût tout de même », ironise ce dernier.

En quittant Nachlaot, Designers in the city est l’escale arty locale sur le chemin de la vieille ville. Mais avant de franchir les remparts de la cité millénaire, empruntez Mamilla Road, artère rutilante avec ses magasins chics et ses galeries marchandes, qui illustrent aussi le renouveau contemporain.

Mamilla est d’ailleurs devenue le lieu de promenade préféré de nombreuses familles qui se rendent au « Mur ». L’autre visage de Jérusalem.

Texte : Ludovic Bischoff

Photographies : Eric Garrault/Picture Tank

Obsession Nouvel Obs Article original

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Ratfucker

Au nom du droit des peuples à l’autodétermination, il serait licite de rattache le Mea Shearim à Gaza pour que les Naturei Karta puissent vivre pleinement leur foi.