C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris ce matin le décès de Monsieur Jean Kahn.

Il serait bien trop long de rappeler ici l’exceptionnelle carrière communautaire de celui qui restera comme l’un des derniers grands personnages de la communauté juive de France. Ancien Président de la commuté juive de Strasbourg, du Consistoire du Bas-Rhin, du CRIF, du Conseil juif européen, et du Consistoire Central, Jean Kahn incarnait à lui seul une page majeure de l’histoire du judaïsme français d’après-guerre.

Malgré la maladie et la souffrance qui le handicapaient au quotidien depuis de très nombreuses années, Jean Kahn avait gardé une force, une énergie et une foi inébranlable dans le Peuple juif et dans la communauté juive dont il est resté jusqu’au bout un défenseur acharné, exemplaire, et irremplaçable. Des décennies durant, Jean Kahn a combattu sur tous les fronts au service des juifs de France et d’Israël. Inlassablement, infatigablement, quelles que soient les difficultés. Et dans le même temps, il n’a jamais dérogé à son attachement sans faille pour la République et les valeurs qu’elle incarne. En grand représentant du judaïsme français, Jean Kahn a toujours, aux différentes places qu’il a occupées, cherché à conjuguer ces deux passions, servant l’une et l’autre avec la même fougue et la même passion pour les lier comme personne.

Beaucoup sera dit et écrit sur Jean Kahn et son incomparable parcours dans la cité, dans la communauté juive, dans le pays, et bien au-delà. Pour ma part, je le connaissais depuis plus de trente ans, quand enfant de la communauté juive de Strasbourg, il m’impressionnait tant par son charisme et son autorité naturelle, assis sur la Téba de la grande synagogue de la Paix aux cotés du Grand Rabbin Max Warschawsky.

Ces souvenirs m’émeuvent encore aujourd’hui. Je n’oublierai jamais quand, le chabbat matin de ma bar-mitzwa, ce 8 novembre 1980, il m’a remis, comme c’était la tradition à Strasbourg, les deux marzorim de Roch Hachana et de Yom Kippour, que j’utilise depuis, tous les ans jusqu’à aujourd’hui. J’aurai dans quelques jours une grande pensée émue et nostalgique pour lui lorsque j’ouvrirai ces livres de prières à nouveau à l’occasion des fêtes de Tichri qui arrivent. Par la suite, j’ai eu régulièrement le plaisir et l’honneur de revoir celui qui était l’ami de mes parents, et plus récemment de le croiser à de multiples reprises à l’occasion de mes activités au Consistoire de Paris et au Consistoire Central.

J’ai en mémoire ces voyages de solidarité que nous avons faits en Israël avec le Consistoire Central en pleine intifada au début des années 2000, et plus tard ces réunions du Conseil d’administration du Consistoire Central où nous siégions à la même table, avec pour moi – comme on peut l’imaginer – beaucoup de fierté et d’honneur d’être à ses côtés dans un lieu aussi prestigieux. Jean Kahn fût l’une des premières personnes à m’appeler au décès de mon père. Ils se sont retrouvés aujourd’hui et ont enfin pu reprendre les discussions interminables sur la communauté, qu’ils avaient à chaque fois qu’ils se voyaient. Il y a un an tout juste, passant les fêtes de Souccot à Strasbourg, j’avais eu le grand plaisir de prier à ses cotés lors des offices qu’ils ne manquaient jamais dans cette synagogue qu’il aimait tant depuis si longtemps.

Par son histoire, son parcours, son action et son apport à la communauté juive, Jean Kahn a marqué à tout jamais le judaïsme français qui lui doit tant. Mais surtout, il l’a servi avec grandeur, classe et dignité, comme peu avant ou après lui ne l’ont fait. Il a porté très haut les couleurs du judaïsme français, comme un étendard qu’il n’a jamais reposé.

A travers son combat d’une vie pour cette communauté juive qu’il aimait si profondément, et pour Israël qui vibrait à tout moment en lui, Jean Kahn avait tissé des liens étroits avec les plus grands de la société politique, économique et sociale en France comme en Europe, et bien entendu, en Israël. De partout émanait un réel et profond respect pour celui qui, malgré les douleurs de la vie, n’avait jamais cessé de militer, de se battre et de travailler pour cette cause juive qui faisait intimement et viscéralement partie de sa vie. De partout aujourd’hui s’élève un sentiment de peine et de manque.

Une page de l’histoire du judaïsme français s’est tournée ce matin. Un Mensch nous a quitté, laissant une empreinte indélébile sur la communauté juive et sur toutes celles et ceux qui ont eu la chance de croiser sa route à un moment ou à un autre.

Toutes mes pensées de tristesse et d’amitié sincères vont aujourd’hui vers son épouse Nicole, ses fils Daniel et François, ses petits-enfants, et toute sa famille.


Philippe Meyer

www.philippemeyer.fr Article original

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Jean Kahn, figure du judaïsme français, dont il a présidé la plupart des institutions, est décédé dimanche 18 août à Strasbourg à l’âge de 84 ans, a-t-on appris auprès de sa famille. « Il est décédé ce matin à l’hôpital des suites d’une longue maladie », a confié son fils, Daniel Kahn. Il sera inhumé mardi à 11 h 30 dans le cimetière juif du quartier de Cronenbourg.

Militant des droits de l’homme, Jean Kahn, qui fut notamment président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), est décédé à Strasbourg, à l’âge de 84 ans.

Ce militant des droits de l’homme, qui fut notamment président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), était né à Strasbourg le 17 mai 1929. Durant la deuxième guerre mondiale, sa famille a fui l’Alsace pour se cacher dans le centre de la France. Docteur en droit de l’université de Strasbourg, il s’est inscrit au barreau en 1953, avant d’intégrer l’entreprise familiale de textile. Il s’est marié en 1955 et a eu deux fils.

Dès cette époque, il mène nombre d’activités bénévoles, comme l’accueil en 1960 de jeunes rapatriés d’Afrique du Nord, ou l’organisation des premières actions en faveur des Boat people.

UN COMBAT CONTRE L’INTOLÉRANCE ET LE RACISME

En 1969, il devient administrateur de la Communauté israélite de Strasbourg, qu’il préside à partir de 1972, ainsi que le CRIF régional. En 1983, il est élu vice-président du CRIF national, qu’il présidera de 1989 à 1995. Parallèlement, il est élu en 1991 président du Consistoire israélite du Bas-Rhin (dont il sera jusqu’à sa mort le président d’honneur), président du Congrès juif européen et vice-président du Congrès juif mondial. De 1995 à 2008, il dirigera également le Consistoire central de France, qui a fait part dimanche de sa « profonde tristesse » à l’annonce de sa disparition.

Jean Kahn et le président François Mitterand.

Parallèlement à son engagement religieux, Jean Kahn s’est battu toute sa vie pour les droits de l’homme, contre l’intolérance et le racisme, rappelle une biographie transmise par sa famille. Il a d’ailleurs gagné à deux reprises en justice contre Jean-Marie Le Pen.

En 1990 et 1991, il se rend au Kosovo pour essayer d’aider à trouver une solution pacifique au conflit en ex-Yougoslavie. Il aidera ensuite à évacuer des milliers de Yougoslaves de zones en proie aux combats et organisera des convois humanitaires de médicaments et de vivres.

« ENGAGEMENT CONSTANT ET OBSTINÉ »

En 1994, il obtient la présidence de la commission consultative européenne Racisme et xénophobie, et en 1998 celle de l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, créé sur sa proposition. Au long des années 1990, il organise colloques et conférences pour la démocratie et contre le racisme, en ex-URSS notamment, mais aussi des voyages à Auschwitz avec des élus européens, des lycéens… « Il a fait tout ça de manière bénévole pendant quarante ans », a souligné son fils Daniel.

Docteur honoris causa de l’université d’Haïfa, Jean Kahn était Grand officier de la Légion d’honneur, Commandeur de l’Ordre national du mérite et Grand-croix avec étoile du Mérite de la République fédérale d’Allemagne.

« Avec Jean Kahn s’éteint une grande figure humaniste », a estimé dans un communiqué le sénateur-maire PS de Strasbourg Roland Ries, en saluant « son engagement constant et obstiné (…) en faveur des droits de l’Homme, du dialogue interreligieux, de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme », ainsi que « sa droiture intellectuelle » et « ses immenses qualités humaines ».

Le Monde.fr Article original | 18.08.2013 à 18h42 • Mis à jour le 18.08.2013 à 18h52

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Armand Maruani

{{Oui MarcBRZ je partage votre admiration pour cet homme qui a si bien défendu le Judaïsme à un moment difficile de notre Histoire ( ça n’a pas changé ) .}}

{{Un homme cultivé et d’une grande classe naturelle}} .

{{Qu’il repose en paix . Amen}}