Le Parlement israélien doit prochainement débattre d’un projet de loi qui définirait Israël comme un « Etat juif ». Un projet qui isolerait un peu plus les citoyens arabes de ce pays et tendrait encore davantage les relations avec l’Autorité palestinienne.
C’est le débat qui échauffe les esprits en Israël : doit-on parler d’un Etat juif plutôt que de l’Etat d’Israël ? Un Etat peut-il être juif et démocratique ? Le Premier ministre Benyamin Netanyahou et ses alliés de l’extrême droite, emmenée par le ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman, tentent d’imposer ce nouveau vocabulaire à leurs partenaires internationaux. Le parlement israélien (Knesset) a pour sa part été saisi d’une proposition de loi qui définirait de façon plus stricte la notion d’Etat juif en l’inscrivant dans la Constitution : l’arabe ne serait plus langue officielle et la loi hébraïque servirait de source d’inspiration au législateur.

En acceptant un plan de partage de la Palestine en 1947, l’ONU avait présidé à la création d’Israël comme un Etat pour les juifs, où les droits de la minorité arabe seraient préservés. Parler d’un Etat juif est de nature à changer l’identité d’Israël. La judéité devenant consubstantielle à l’Etat, quelle place sera dès lors faite aux non-juifs ?

La polémique fait rage dans la presse israélienne. Certains commentateurs parlent de guerre culturelle, d’autres du risque de voir leur démocratie virer à la théocratie. La question rebondit au sein de la « diaspora juive ». Même les plus ardents défenseurs d’Israël aux Etats-Unis sont soudain pris d’un doute. « Quand on vote des lois qui étouffent la liberté d’expression, cherchent à diminuer l’indépendance du système judiciaire et, au nom de la défense d’un Etat juif, tentent de réduire les droits des Arabes et d’autres minorités, alors le caractère véritablement démocratique s’érode », écrit Abraham Foxman, le président de l’Anti-Defamation League association américaine de défense des juifs »>Article original.

Il n’est plus un débat sur l’avenir d’Israël ou de la Palestine sans que la question soit posée. Le mois dernier, à l’Université de Tel-Aviv, lors d’un colloque organisé par l’Institut des études sur la sécurité nationale (INSS), plusieurs représentants palestiniens dénonçaient cette manœuvre du gouvernement pour éviter de négocier une solution à deux Etats. « Maintenant que nous avons reconnu un Etat israélien, le pouvoir israélien veut que Mahmoud Abbas (président de l’Autorité palestinienne) reconnaisse un Etat juif. Cela veut dire quoi ? C’est quoi un Etat juif ? C’est quoi un juif ? Pourquoi pas un Etat sioniste ou un Etat ultraorthodoxe ? Ce n’est pas notre affaire », s’est emporté Sufian Abu Zaydeh, ancien ministre des Prisonniers de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).

Le directeur de l’INSS, l’ancien ambassadeur Oded Eran, a répondu : « Certes, vous reconnaissez Israël. Mais du fait des évolutions démographiques, cela pourrait tourner en quelque chose d’autre. Ce que le gouvernement n’a pas dit, et je le regrette, c’est qu’il faut parler d’un Etat juif qui garantisse les droits de la minorité des 20% d’Arabes. » L’idée d’Etat juif répond à une angoisse existentielle. Beaucoup d’Israéliens pensent que leur légitimité serait renforcée avec cette reconnaissance.

« Ce n’est pas qu’une question de vocabulaire mais d’inquiétude profondément ancrée dans la psyché israélienne », a renchéri l’ancien brigadier général Shlomo Brom, interrogé par Le Temps. « Les Israéliens ont peur de ne pas être véritablement acceptés au Proche-Orient. Les Palestiniens ont accepté le processus d’Oslo pour des raisons pragmatiques. Un jour, ce pragmatisme pourrait devenir autre chose et tout s’effondrera. Dans 50 ans, quand les Israéliens seront plus faibles et les Arabes plus forts, comment les choses vont-elles tourner s’il n’y a pas une réelle acceptation de l’Etat d’Israël ? Le prix d’un accord de paix sera très coûteux, nous devrons déplacer 100 000 colons de Cisjordanie. Cela va déchirer la société israélienne. C’est notre inquiétude. »

Israël en danger de paix ? Beaucoup le pensent. Une fois la question palestinienne réglée, la société israélienne, tiraillée par de multiples fractures entre les diverses strates de l’immigration, entre religieux et laïcs, pourrait bien imploser. Parler d’Etat juif est une façon de renforcer la cohésion intérieure. Mais à quel prix ? La journaliste Avirama Golan écrit dans un court essai* que « pour le groupe qui règne aujourd’hui sur Israël, de même qu’il n’existe pas de frontières définies entre Israël et ses voisins et qu’il est possible de garder éternellement des territoires occupés depuis 1967, parce qu’’Israël tout entier appartient aux Juifs’, de même il n’y a plus d’Israéliens. Les Israéliens ont disparu de la scène pour faire place aux ‘Juifs’, confrontés, qu’ils le veuillent ou non, aux ‘Arabes’. Les ‘Arabes’ sont tous ceux qui sont Arabes et, en l’occurrence, leur nationalité est secondaire: israélienne, jordanienne, libanaise, ou palestinienne. »

Frédéric Koller

Note :* Espoir d’un printemps israélien, Ed Galaade, 2011

Courrier International

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
cinna

l’auteur (Frédéric Koller) dit…

Un Etat peut-il être juif et démocratique ? Je lui réponds… le judaïsme est le berceau de la démocratie. j’en avance pour preuve l’étude du talmud! Que lisons- nous sinon d’interminable discussion entre deux personnes, discutions qui dans tous les cas débouche sur une impasse; pourquoi?
Selon rabbi ichmaël, l’auteur de treize principes d’analyse de la loi… Une loi ne peut être tranchée qu’à la condition qu’une troisième personne soit présente, ce qui nous ramène au principe de la majorité.
De tout temps le débat a fait rage au sein du peuple juif , ça a commencé par l’époque des prêtres , s’en est suivit celle des juges et enfin celle des rois, ni les premiers, ni les seconds et troisième n’ont resistés; Moïse en personne en a été user au point qu’il a fini par se plaindre au Grand Patron en lui disant… c’est un peuple dure et difficile trouve-toi quelqu’un d’autre pour me remplacer… Vous avez dit démocratie ! Qui dis mieux

Gerard.marx123

Bonjour,
Si Israël n’est pas une état Juif, c’est quoi ? une seconde Jordanie ?

Schlomo

Je trouve ambigu le ton de cet article dont on ne sait qui l’a écrit.
Exemples : L’auteur anonyme dit « c’est le débat qui échauffe les esprits en Israël : doit-on parler d’un Etat juif plutôt que de l’Etat d’Israël ? » Question : d’où cet auteur écrit son article. Je vis en Israël et je ne vois nul échauffement !
« Un Etat peut-il être juif et démocratique ? » Pourquoi en douter, de fait n’est-ce pas ce qui prévaut !
« Le Premier ministre Benyamin Netanyahou et ses alliés de l’extrême droite … » : L’auteur commet une grave erreur conceptuelle et a tendance à utiliser des concepts très franco-français, hanté par la question de l’extrême droite. Non pas qu’il n’y ait pas de « radicaux » en Israël, peut-être même des individus qui en France pourraient être assimilés à l’extrême droite (au sens définit par les Sciences politiques). Mais ce à quoi fait allusion l’auteur de l’article est totalement erroné !
Et encore, le fait que « l’arabe ne serait plus langue officielle et la loi hébraïque et servirait de source d’inspiration au législateur », cela ne ferait que signifier l’abandon par les Juifs de leur complexe. J’ajouterais même, le fait que les enseignes et panneaux ne soient plus rédigés en arabe ! Il est simplement question d’assumer totalement l’identité juive de cette Terre.
L’auteur insinue, sans preuve, qu’un Etat juif ne garantirait plus « les droits de la minorité arabe » et que « parler d’un Etat juif est de nature à changer l’identité d’Israël ». Et alors ? le problème n’est-ce pas que l’identité d’Israël connaît une dérive pour ressembler de moins en moins à un Etat référé par son ancrage historique, culturel, cultuel à sa judéité ? Et l’auteur, se soucie-t-il de ce qu’il en est des droits des Juifs dans les pays arabes, comme ceux des autres minorités ?!
Quant à la place faite « dès lors faite aux non-juifs », cette question est spécieuse, comme si actuellement les non-juifs étaient inquiétés dans l’exercice de leurs différences et autres particularités !
Etc., etc.
J’arrête là le commentaire sur le contenu de cet article, je risquerai d’être catalogué par l’auteur de cet article d’appartenance à … l’extrême droite !
Dommage toutefois, ce sujet aurait pu permettre d’écrire des choses plus censées sur ce sujet.

cinna

Il existe des états islamiques, de même pour les catolique, idém pour les doudiste et j’en passe, d’aucun
n’a demandé la permission de ce qui doit determiner son esprit et sa raison d’être.
la paradoxe est que dés qu’il s’agit du peuple juif, le monde s’octroy le droit de ce qu’ il doit le determiner. n’oublions pas la grande citation de Ariel Sharone : si les juif sont en Israël en tant qu’ israëlien, je dirais qu’ils n’ont rien à faire dans ce pays, et si ils y sont en tant que juif dans dans ce cas ils ont tout les droits sur sa terre.le probleme chez les juifs, c’est qu’ils veullent bien étre juifs, mais il ne faut pas que ça se sache de trop. d’autre part je suis intimement convaincu que les juifs dans leur majorité sont des plus tolérants, et le fait qu’israël soit un état juif ne changerait en rien pour le reste de ses habitants de quelques comunautés ou religion que se soit.

S.LEVY

Les arabes ne refusent-ils pas de reconnaître Israel? Eh bien tant pis pour eux, maintenant il devront avaler … »République Juive d’Israel »… « The Israel Jewish Republic… »