Après le retrait des troupes américaines, l’Irak est condamné à passer sous un contrôle étroit de Téhéran. Les Etats-Unis auront dépensé quatre mille milliards de dollars pour renforcer leur pire ennemi : l’Iran !
Selon des chiffres officiels, 4.000 milliards de dollars ont été dépensés en Irak par les Etats-Unis, un montant dépassant en chiffre absolu le coût de la seconde guerre mondiale. C’est en tout cas la somme la plus importante engagée par les occidentaux dans l’histoire des conflits et cela explique en partie l’état dans lequel se trouvent les finances publiques américaines. Pour autant, on ne peut pas vraiment parler d’un succès. L’armée américaine quitte l’Irak en fin d’année et laisse le pays dans une grande incertitude. Le plus haut gradé américain, le général Martin Dempsey, a avoué le 15 novembre 2011 être «inquiet» pour l’avenir de l’Irak : «Anticipant la question de savoir si je suis inquiet pour l’avenir de l’Irak, le réponse est oui», a déclaré le chef d’état-major interarmées devant les sénateurs de la Commission de la Défense.

L’Iran à la place du vide

La décision des américains de se désengager d’Irak suscite l’inquiétude dans tout le Moyen-Orient car l’Iran, à l’affût, se prépare à étendre son influence et remplacer les partants. Le vide en Irak, après le départ des troupes américaines, risque d’être aussitôt comblé. D’ores et déjà le Liban est passé sous contrôle via le Hezbollah de l’Iran et l’Irak pourrait bien connaître un sort identique. Les chiites sont à l’offensive sur un arc qui s’étend de l’Iran au Liban en passant par l’Irak et la Syrie.

La secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a tenté de rassurer à l’occasion de son déplacement au Tadjikistan. «Pour les pays de la région, notamment les voisins de l’Irak, nous voulons souligner que l’Amérique se tiendra aux côtés de nos alliés et amis, y compris l’Irak, pour la défense de notre sécurité et des intérêts communs.» Le premier ministre irakien, Nouri Al-Maliki, sait pertinemment que Téhéran a déployé en Irak plus de 30.000 Gardiens de la Révolution, bras armés des Brigades Al-Qods. Le général Qassem Solimani, qui commande ces brigades iraniennes, est justement celui qui est accusé d’avoir fomenté un complot contre l’ambassadeur saoudien à Washington. 

David Petraeus, alors chef du Commandement central américain et maintenant directeur de la CIA (Agence centrale de renseignements), a révélé la teneur du message qu’il avait reçu en 2008 de Solimani: «Général Petraeus, vous devriez savoir que je contrôle la politique de l’Iran vis-à-vis de l’Irak, du Liban, de Gaza et d’Afghanistan. Je vous précise que l’ambassadeur à Bagdad est un membre de la brigade Al-Qods.» L’insolence de ces propos est une bonne illustration de l’assurance de Solimani.

L’Iran a gardé de sa défaite contre l’Irak dans les années 1980 un goût amer et n’a jamais caché ses intentions aprè une paix acceptée sous la contrainte en 1988 de prendre sa revanche. Téhéran prépare une vraie prise de contrôle du pays par l’intermédiaire de son plus fidèle allié le Hezbollah libanais et en s’appuyant sur une nouvelle élite chiite irakienne. Le gouvernement en place, trop faible, issu des divisions entre chiites, sunnites et kurdes, est de plus en plus dépendant de la bonne volonté de Téhéran.

L’Iran a réussi à infiltrer tous les rouages de l’administration irakienne. Les 30.000 Gardiens de la Révolution, formés aux techniques de la guérilla, agissent sous la couverture de gardes du corps de membres du gouvernement et de personnalités politiques. Ils assurent la sécurité des dirigeants et des parlementaires chiites. Ils ont pour mission de se déployer dans la zone de haute sécurité construite par les américains à coups de milliards de dollars pour héberger les diplomates américains, les principaux ministères irakiens et les sièges des entreprises civile.

Attaque du Hezbollah contre les troupes américaines

Selon des sources proches du renseignement israélien, des troupes du Hezbollah ont reçu pour mission de déstabiliser l’Irak. Un responsable du contre-terrorisme américain a précisé le 6 septembre  que «le Hezbollah a frappé des cibles américaines en Irak en tant que sous-traitant de l’Iran et de la Syrie». L’Iran avait déjà décidé de s’attaquer aux troupes américaines en Afghanistan en payant 1.000 dollars les talibans pour chaque soldat tué. Le 7 septembre, un homme déguisé en soldat de l’armée irakienne a tiré et abattu deux soldats américains au nord de l’Irak, ont annoncé des sources officielles américaines. 

Cette offensive iranienne en Irak s’inscrit évidemment dans le cadre plus large de la guerre secrète menée par les Etats-Unis et Israël contre le programme d’armement nucléaire iranien. La crainte d’une attaque de leurs installations nucléaires pousse les iraniens à planifier une vague de terrorisme à la fois en Afghanistan et en Irak afin  d’endiguer les velléités d’Israël et des Etats-Unis. Une commission du Sénat américain du 8 juin 2010 a évalué les menaces du Hezbollah sur les États-Unis. Les américains qui s’étaient montrés «inquiets» du transfert par la Syrie de missiles de longue portée au Hezbollah, craignent aujourd’hui que ces missiles ne soient utilisés contre Israël mais aussi contre leurs propres troupes.

Le Hezbollah agit en Irak au travers de deux associations chiites iraquiennes qui lui servent de camouflage. La ligue des croyants (Asaib Al-Haq) et les brigades Kataïb. La ligue des croyants a été entrainée durant quatre ans dans une base iranienne des Gardiens de la Révolution. Des militants de la ligue ont ensuite été envoyés, déguisés en pèlerins chiites, dans des villes du sud de l’Irak pour s’attaquer à des cibles américaines.

Les brigades du Hezbollah sont implantées au sud-Liban. Leur chef, le général iranien Al-Muhandis, s’était rendu à une réunion à Damas le 21 août pour rencontrer le chef des Gardiens de la Révolution, en mission secrète. Cette réunion avait pour but de synchroniser, avec les officiers syriens, les actions de terrorisme en Israël, en Cisjordanie mais, on le sait à présent, aussi en Irak.

 Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah, n’a pas caché son projet de s’implanter en Irak. Il a fait part de ses intentions lors d’une intervention télévisée le 3 septembre durant laquelle les observateurs ont constaté plusieurs mentions de l’Irak dans ses propos: «La résistance irakienne avait surpris l’occupant américain….L’axe englobant la Palestine, le Liban, la Syrie, l’Irak et l’Iran a fait échouer le projet américain visant à diviser la région et à y liquider la résistance… le retrait américain de l’Irak est un échec et une défaite». Cet appui à la résistance irakienne préfigure le combat que le Hezbollah entend mener en Irak pour aider l’Iran à s’y implanter en force.

Les israéliens voient aussi dans cette ingérence du Hezbollah en Irak un moyen de réactiver le front de l’est, Iran, Syrie, Irak et Liban comme du temps de Saddam Hussein. Certes l’Irak n’a pas de frontières communes avec Israël mais des fondamentalistes jordaniens, installés à la frontière avec l’Arabie Saoudite, agissent en perturbateurs. Ils avaient organisé, avec le parrainage d’al Qaida, les premières actions au gaz sarin et une attaque lors d’un mariage à Amman. Ils sont accusés de vouloir déstabiliser la Jordanie et de chercher à assassiner le roi Abdallah permettant à la Syrie de tenter de contrôler un pays pouvant faire partie de la Grande Syrie.

En utilisant un sous-traitant islamiste, armé par ses soins, l’Iran veut contrôler Kerbala avec les sanctuaires chiites de Najaf. Il veut imposer un gouvernement irakien, à sa solde, dirigé par des chiites, pour mieux manipuler Bagdad avant d’imposer sa mainmise sur tout le pays, quitte à en accepter la partition. Il a surtout une visée affirmée sur les champs pétroliers du sud afin de gérer l’approvisionnement mondial en pétrole et de se doter d’une capacité de raffinage qui lui fait défaut en Iran.

Le départ des américains d’Irak va favoriser le développement de la propagande du Hezbollah en traduisant le retrait volontaire en une victoire des moudjahidines à l’instar de l’évacuation du sud-Liban et de Gaza par Israël.

Jacques Benillouche

Slate.fr

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