Des responsables de l’organisation islamiste palestinienne ont déclaré qu’ils se tiendraient à l’écart de toute guerre avec l’Iran.L’organisation islamiste Hamas, considérée comme terroriste par la communauté internationale, est souvent décrite comme étant le bras armé de l’Iran au Proche-Orient, obéissant au doigt et à l’oeil à la République islamique, au même titre que le Hezbollah libanais.

Israël affirme ainsi que c’est par le biais du Hamas que l’Iran exporte le terrorisme.

Tsahal prédit même qu’en cas de frappes israéliennes sur les sites nucléaires iraniens, l’État hébreu serait alors menacé par les roquettes de l’organisation islamiste, lancées depuis Gaza.

Pourtant, vingt ans de financement iranien du Hamas, organisation créée en 1987, semblent aujourd’hui réduits à néant.

« S’il y a une guerre entre les deux puissances, le Hamas n’y prendra pas part », a affirmé mardi Salah Bardawil, membre du bureau politique du Hamas, au quotidien britannique Guardian.

Le lendemain, un autre haut responsable gazaoui, Mahmoud Zahar, confirme les propos de son collègue en annonçant à la BBC que l’organisation islamiste resterait « en dehors de tout conflit militaire entre Israël et l’Iran ».

« N’exagérez pas notre puissance ! Nous souffrons toujours de l’occupation, du siège et des deux dernières guerres. »

Une déclaration qui ne surprend pas outre mesure le spécialiste du Hamas, Jean-François Legrain (1).

« Les dirigeants du mouvement ont toujours été pragmatiques. L’alliance avec l’Iran ne répondait de toute façon qu’à des intérêts politiques, à savoir s’inscrire dans le camp hostile à la volonté de contrôle des Américains sur la région.

Le Hamas n’a jamais été une marionnette entre les mains de Téhéran.

 » Il n’empêche. Il s’agit d’un coup très dur infligé à la République islamique, qui s’était employée à compenser financièrement le blocus israélien infligé à la bande de Gaza avec plusieurs dizaines de millions de dollars versés chaque année.

Camouflet pour l’Iran

« L’Iran a été très généreux en versant son argent, mais idéologiquement nous avons très peu de choses en commun », affirme sous le couvert de l’anonymat un autre responsable du Hamas à la BBC.

« Je n’aime pas les Iraniens et la manière dont ils tentent d’user de leur influence dans le monde arabe.

 » Consciente du camouflet infligé par une telle prise de position, l’agence semi-officielle iranienne Farsnews, proche des Gardiens de la révolution iraniens, l’armée idéologique du régime, s’est empressée de contacter à son tour Mahmoud Zahar, qui est cette fois revenu sur ses propos.

« Les représailles avec la plus grande puissance sont la position du Hamas au regard d’une guerre sioniste contre l’Iran », a-t-il déclaré.

Mais trop tard, le mal est déjà fait, et n’est que le dernier incident en date dans les troublantes relations irano-palestiniennes.

Si le Premier ministre du Hamas, Ismaïl Haniyeh, s’est rendu en Iran en février pour rappeler qu’il ne « reconnaîtrait jamais Israël », ses rapports avec Téhéran se sont considérablement tendus depuis l’avènement du Printemps arabe.

En Égypte, l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans, mouvement dont est issu le Hamas, a bouleversé les équilibres précaires de la région.

« Le Hamas possède dorénavant chez les responsables politiques en Égypte, mais aussi en Tunisie avec Ennahda, des interlocuteurs très proches », explique Jean-François Legrain.

« Dès lors, le Hamas a pris ses distances par rapport à Téhéran », renchérit Mohammad-Reza Djalili (2), professeur émérite à l’Institut de hautes études internationales et du développement.

À la chute du très anti-iranien Hosni Moubarak, Téhéran a envoyé un émissaire au Caire, soucieux de relancer rapidement les relations diplomatiques entre les deux pays.

Mais hostiles au « serpent chiite », et se réclamant du « modèle turc », les Frères l’ont renvoyé sur-le-champ.

Déménagement de Syrie

Mais le point de non-retour a certainement été franchi avec le conflit en Syrie, alliée alaouite (branche du chiisme, ndlr) indéfectible de Téhéran.

Face à la répression sans fin des manifestants, majoritairement sunnites, le Premier ministre du Hamas, Ismaël Hanieh, a apporté le 24 février dernier son soutien public au « brave peuple syrien » contre Bachar el-Assad.

Un affront infligé au régime alaouite, qui héberge pourtant le bureau politique de l’organisation depuis 1999.

Mais une sortie en réalité calculée. Quatre jours plus tard, Khaled Mechaal, le chef politique du Hamas, annonce qu’il déménage de Damas pour s’installer à Doha, au Qatar.

Ce départ suit celui d’autres dirigeants du Hamas, cette fois pour Le Caire.

Il est vrai que Damas a toujours été hostile aux Frères musulmans, dont 30 000 sympathisants ont été massacrés à Hama en 1982 et qui sont désormais majoritaires au sein de l’opposition syrienne.

Pendant ce temps, l’Iran continue à apporter un soutien logistique et militaire au régime de Bachar el-Assad, pilier central de son axe stratégique chiite Téhéran-Damas-Beyrouth.

« Le Hamas a déjà porté un coup très sévère à la politique étrangère iranienne », note Mohammad-Reza Djalili.

« Si le régime syrien était amené à tomber, son lien avec le Hezbollah libanais s’en trouverait brisé.

Ce serait dramatique pour la diplomatie régionale de l’Iran. »

ARMIN AREFI -Le Point.fr

09/03/2012

(1) Jean-François Legrain, chercheur au CNRS/Gremmo (Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient) à Lyon.

(2) Mohammad-Reza Djalili, auteur avec Thierry Kellner de L’histoire de l’Iran contemporain (La Découverte).

http://www.lepoint.fr/monde/hamas-iran-le-divorce-09-03-2012-1439546_24.php

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Armand Maruani

Quelle salade ! Pour nous rien ne change , l’ennemi se déplace vers les frères musulmans les véritables vainqueurs des Printemps arabes . A ne pas douter le hamas bénéficiera de leur soutien . Je me pose la question depuis le début , à savoir si le concombre syrien notre ennemi juré n’est pas préférable à ceux qui s’opposent à lui , ces derniers n’iront ils pas rejoindre la clique salafiste en cas de victoire ? Une nouvelle carte de nos ennemis se dessine , une guerre de religion plus affirmée .