La nouvelle a fait l’effet d’une bombe : un homme, sain de corps et d’esprit, a mis fin à ses jours hier dans une enceinte sacrée, pour, prévenait-il dans un communiqué lu sur une radio par l’un de ses amis, dénoncer les dérives de notre temps et de ce pays…Quelles que puissent être la solidité de tels motifs, on ne peut s’empêcher de dire sa tristesse devant un fait aussi tragique.

Sans céder à l’effet d’accumulation, il faut reconnaître qu’on vit à une drôle d’époque : ce n’est d’ailleurs pas la première fois que quelqu’un met publiquement fin à ses jours.

Est-ce le caractère troublé de notre époque ?

Est ce la crise économique, le chômage, le relâchement des mœurs et la permissivité ambiante qui expliquent tout cela ?

Pour répondre honnêtement, je ne sais pas.

Mais il ne faut pas que nous devenions comme ces pays lointains où les gens désespérés s’imbibent d’essence et craquent une allumette pour quitter ce monde où ils n’ont vécu que la haine, l’incompréhension et la misère.

Comment interpréter la symbolique d’un tel geste si tragique ? Et d’abord, existe-t-elle vraiment cette symbolique ?

Là aussi, je ne sais que répondre.

Mais je dois dire, avant toutes choses, que je suis, comme vous tous, affecté par cette nouvelle.

Comme l’homme a mis fin à ses jours dans un lieu de culte, une église, en l’occurrence, où les thèmes de crucifixion, de sacrifice sacré, sont omniprésents, on pourrait penser que la victime a voulu donner sa vie dans une certaine forme de culte sacrificiel, cherchant à verser son propre sang pour rédimer les péchés commis par d’autres, ne reculant pas, pour ce faire, devant le sacrifice suprême.

On pense évidemment au Christ et au chapitre LIII d’Isaïe que les Pères de l’Eglise interprétaient dans ce sens.

Mais il y a tout de même une différence de poids : Jésus a été crucifié, il a été pris et mis à profit, il ne s’est pas suicidé alors que le geste dont nous parlons a été volontaire, déterminé, objectivement choisi…

Notre société doit se réveiller, elle doit ouvrir l’œil sur ce qui se passe dans le terrible anonymat des grandes villes où les gens se croisent sans se voir, se frôlent sans se parler.

N’oublions pas la phrase de Hegel, l’homme est homme parmi les autres hommes.

Quand je dis JE, je pose nécessairement, eo ipso, l’existence d’un TU.

Ce qui signifie que l’autre est indispensable à mon existence et à la construction de mon moi…

Relisez Martin Buber et surtout son livre «Je et Tu» (1923).

Ou le «Journal métaphysique» de Gabriel Marcel.

Et souvenez vous de cette phrase d’Emmanuel Levinas, tirée d’ailleurs des écrits de Rosenzweig et de Buber, «mon moi, ce sont les autres»…

Maurice-Ruben HAYOUN

In Tribune de Genève du 22 mai 2013

TAGS: Paris Suicide Notre-Dame Martin Venner Lévinas

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