Les contribuables sont de plus en plus nombreux à se laisser tenter par des paiements en espèce et par du travail au noir.Un pressing à Paris. Au comptoir, le propriétaire des lieux regarde en grimaçant la carte bleue que lui tend son client. « Vous n’avez pas d’espèces? ». « Non, désolé, je n’ai pas 120 euros sur moi ». Le roi du lavage à sec a sa réponse toute faite: « Il y a une banque pas loin avec un distributeur de billets. Si vous me payez en liquide je vous fais une ristourne de 20 euros. Vous savez l’Etat nous prend 20%, c’est beaucoup. »

Le client hésite, puis tend sa carte. Le commerçant s’exécute. Ou fait mine de. « Paiement impossible » annonce le petit écran de son terminal de paiement. Aucun souci, en revanche, au Crédit Agricole du coin de la rue. 5 minutes plus tard, la facture est payée: 100 euros… sans ticket de caisse.

Un couple de cadres. Jusque-là ils déclaraient leur femme de ménage. 20 heures par semaine. Depuis le 1er janvier 2013, comme tous les contribuables, ils sont soumis au nouveau plafonnement unique des niches fiscales. Pas plus de 10.000 euros. Deux fois moins qu’en 2012. Ils ont fait leurs comptes.

S’ils gardent Johanna dans les conditions actuelles, la facture va s’alourdir de 1.000 euros. Ils l’expliquent calmement à cette dernière. « Vous comprenez qu’on ne puisse plus vous faire travailler autant ».

Johanna leur glisse une solution: « Vous me licenciez. Je touche le chômage. Je continue à venir mais vous me payez au noir. Tout le monde est gagnant. » Marché conclu.

Une fuite au coin du toit. Appel d’un professionnel. Son diagnostic ? Gouttière rouillée et percée de plusieurs trous : il faut remplacer. Cela coute cher: 3.000 euros. Devant la mine dépitée du propriétaire, la solution jaillit instantanément. « Je vous fais une ristourne de 20% et vous me payez cash! ».

Après discussion, le professionnel ajoutera, pour le même prix, une reprise d’une fente du mur de façade. Les travaux, menés tambour battant par trois ouvriers, prendront trois heures. Renseignement pris, ces salariés travaillent en fait aussi les jours de gel ou de neige. Leur rémunération est alors prise en charge par la caisse d’indemnisation du BTP pour « intempéries »…

Le nombre d’heures déclarés de travail à domicile a chuté de 8%

Ces trois scènes, absolument pas imaginaires, illustrent à merveille la façon dont de plus en plus de Français assument désormais sans aucun complexe d’enfreindre la loi en se soustrayant à l’impôt. On dispose certes de peu de chiffres permettant d’évaluer précisément la croissance de ce manque à gagner pour les caisses de l’Etat et de la Sécurité sociale.

Il y a néanmoins des indices qui ne trompent pas. Ainsi, comme le rapporte à juste titre dans Les Echos, Jean-Baptiste Besson, expert en fiscalité, « la Caisse nationale des Urssaf constate depuis le début de l’année une chute du nombre d’heures déclarées de travail à domicile (près de 8 % en un an) ».

Pour cet ancien collaborateur parlementaire qui a fait ses premières armes à la commission des finances de l’Assemblée nationale, aucun doute n’est permis: « les ménages ont adopté une stratégie d’éviction : renonciation à employer quelqu’un officiellement ou volonté de réduire le volume d’heures déclarées, quitte à faire exécuter le complément au noir. »

Autre signal clair de cette montée en puissance de la fraude: « Depuis quelques mois, la Banque de France se trouve dans l’obligation de réimprimer de manière notable des billets de 20 et 50 euros. Les distributeurs de billets doivent être plus régulièrement réapprovisionnés » assure Jean-Baptiste Besson.

Et si les Français tirent davantage d’espèces, c’est, indubitablement, parce qu’on leur suggère plus souvent de payer au noir, histoire de faire des économies sur le dos d’un Etat jugé confiscateur.

07-11-2013/Pierre Kupferman/ Challenges.fr Article original

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