Présentation: L’accord passé avec l’Iran à Genève comporte de graves inconvénients qui se mesurent en argent, en prestige, en influence. Il y a aussi le prix du sang qui sera versé. Mais surtout les États-Unis vont devoir laisser à l’Iran une liberté d’action dont les conséquences seront redoutables pour la région.

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L’évaluation de l’accord nucléaire dépend de la façon dont on appréhende le contexte d’ensemble des relations irano-américaines.

Les voies qui s’ouvrent devant elles ne sont pas toutes abominables. Mais je suis pessimiste. Ma vision de l’accord est celle d’une pause plaisante et trompeuse sur la route longue et sanglante du retrait américain du Moyen-Orient.

A l’inverse, le président Obama considère cet accord comme la première phase d’un processus en deux étapes. Il croit que dans six mois, ce processus va culminer avec un accord final durable. Dans le plus rose des scénarios, le rapprochement nucléaire sera le début de quelque chose de plus grand. Comme au moment de l’ouverture de Nixon en direction de la Chine, il inaugurera une nouvelle ère des relations irano-américaines.

Nombreux sont ceux qui pensent qu’Obama rêve d’une réconciliation historique sur ce modèle, mais c’est surtout le cas de beaucoup de commentateurs.

Personnellement, je n’en fais pas partie. Sur la question particulière du nucléaire, je ne considère pas l’accord comme une première étape. Selon moi, il n’y aura jamais d’accord final. Ce que l’administration vient d’entamer, c’est plutôt un processus long et couteux, aux termes duquel l’Occident va payer l’Iran pour s’abstenir d’accéder au nucléaire. Au fond des choses, nous sommes en train de payer Khamenei pour qu’il consente à négocier avec nous. Nous en avons acheté pour six mois. Mais quel a été le prix effectif ?

Nous avons déchiré les six résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU qui ordonnaient à l’Iran de mettre un terme aux activités d’enrichissement de l’uranium »>Article original et de séparation du plutonium »>Article original. Nous avons dévoilé des fractures au sein de la coalition contre l’Iran. Et nous avons donné naissance à un groupe de pression mondial dédié à l’allègement d’un système de sanctions qui a été établi à l’issue d’un travail diplomatique extrêmement difficile, étalé sur une décennie.

C’est la note que nous avons clairement devant les yeux. Mais je me demande aussi s’il n’y a pas des coûts dissimulés, sous la forme d’engagements secrets avec l’Iran par le canal de tiers. Je suppose que les Iraniens ont demandé des compensations économiques pour chacune de leurs concessions. Est-ce que tous les versements promis apparaissent bien dans le texte de l’accord? Est-ce que des parties moins soumises que notre président au contrôle du Congrès américain n’ont pas fait des offres supplémentaires attractives ? Nous ne savons pas s’il n’y a pas, en fait, des annexes secrètes à l’accord. Seul le temps nous le dira.

Mais les coût cachés qu’il est le plus facile de mettre en évidence se dévoilent à travers la liberté d’action que les États-Unis vont désormais laisser à l’Iran dans la région. C’est ce prix qui me trouble le plus.

Selon moi, cette liberté d’action s’est déjà manifestée lors de l’accord sur les armes chimiques qu’Obama a passé avec la Syrie de Bachar al Assad.

Je soupçonne depuis longtemps que la position de retrait d’Obama sur la Syrie était motivée, en partie par son désir de créer un climat de confiance avec l’Iran sur les négociations nucléaires. Les indices qu’il en est bien ainsi se confirment de jour en jour. Par exemple, nous apprenons aujourd’hui que l’administration avait ouvert un canal de négociation bilatéral avec Téhéran bien avant la crise syrienne. Je ne peux que supposer qu’elle a renoncé à l’emploi de la force contre Assad parce qu’elle considérait que le défi en Syrie n’est qu’une question annexe dans la négociation sur le nucléaire iranien.

En toute hypothèse, il est indéniable que l’accord sur les armes chimiques a fait des États-Unis le partenaire muet d’Assad. L’administration Obama a retiré l’option de l’usage de la force et elle a fait grand bruit sur le grand succès que constituait l’engagement de la Syrie à détruire ses armes chimiques. Par la suite, elle a fermé les yeux sur la machine de mort d’Assad qui est financée, entraînée et équipée par l’Iran. En conséquence, Assad et son allié iranien bénéficient d’une liberté d’action plus étendue dans la guerre civile syrienne.

L’accord nucléaire va soumettre le monde arabe aux douces attentions des Gardes de la Révolution. L’Iran aura désormais davantage d’argent, notre argent, pour alimenter les groupes qu’il patronne, comme le Hezbollah. Washington ne peut pas mettre en cause le gant de fer de la Force al-Qods sans mettre en péril le rapprochement nucléaire. Il est de même fortement incité à fermer les yeux sur les manœuvres de subversion et d’intimidation de l’Iran dans la région.

Qu’il en soit conscient ou non, Obama a annoncé maintenant qu’on ne pouvait pas compter sur les États-Unis pour faire face à l’Iran. Israël et nos alliés arabes seront obligatoirement livrés à eux-mêmes. Certains acteurs, comme l’Arabie saoudite, poursuivront leur guerre avec l’Iran par forces interposées avec encore plus d’énergie. Les autres se mettront simplement sous protection. Il feront allégeance à Téhéran, tout comme de nombreux acteurs régionaux qui se sont affichés aux cotés de Moscou à la suite de l’accord sur les armes chimiques syriennes. L’influence des États-Unis se réduira d’autant.

C’est cela, en définitive, le véritable prix que nous allons payer pendant six mois pour avoir du calme sur le front nucléaire. C’est une perte de prestige dont la plupart des Américains ne se sont pas rendu compte. C’est aussi le sang qui est en jeu. Mais ce n’est pas notre sang, de sorte que les Américains n’ont pas fait le lien entre la violence à venir et l’accord nucléaire. Il est important de noter que ce n’est que le prix initial à payer. Dans six mois, quand l’accord intérimaire expirera, il faudra faire un nouveau chèque à l’ayatollah Khamenei. Si Obama ne payait pas, il devrait admettre qu’il a passé un mauvais accord. Alors nous paierons, quoi qu’il nous en coûte.

Titre original : The Hidden Cost Of The Iranian Nuclear Deal

par Michael Doran pour The Brookings Institution, le 24 novembre 2013

Traduction : Jean-Pierre Bensimon

Michael Doran, est un ancien Conseiller au secrétariat américain à la Défense et responsable au Conseil National de Sécurité: il est actuellement membre expert du Saban Center for Middle East Policy.

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yaakova

Amen ! avec toi, Elie. Que Hashem guide Israël et lui donne force ! Joyeuses fêtes de Hanouka !

Elie

..Il est clair qu’ISRAEL ne peut compter sur AUCUN soutien , en dehors de celui (??) de l’Arabie Saoudite

et certains pays du Golfe (alliances contre nature !)…..ALORS QUOI FAIRE ????Attendre 6 mois ???

Réagir Maintenant ??? Que ces lumières de HANOUCCA éclaire l’horizon d’ISRAEL !!!AMEN !!