Curieux personnage que ce Dr Joseph Goebbels qui fut, quand même, l’ultime héritier de Hitler auquel il ne survécut que quelques jours puisqu’il se suicida avec son épouse, après avoir tué ses propres enfants, au motif que l’on ne pouvait pas vivre dans un univers d’où le national-socialisme avait été chassé. Alors, pourquoi curieux personnage ?

Simplement parce que dans les trois riches introductions qui présentent ce volumineux journal intime et le situent magistralement dans le contexte historique de l’époque, on apprend des choses intéressantes sur la fragilité psychologique de l’homme : déchiré entre deux femmes, profondément choqué lorsque sa blonde épouse lui apprend qu’elle le trompe avec son secrétaire d’Etat depuis deux ans, il cherche son salut dans la fuite, se retire au festival de Bayreuth et tente de se remettre…

Le plus inattendu est qu’il a la faiblesse de se confier du maréchal du Reich Göring qui se fera une joie d’aller tout raconter à Hitler qui joue les conciliateurs et entend dicter à son futur ministre de la propagande la conduite à tenir…

Et ce n’est pas tout : Madame Goebbels fera de même puisque Hitler sera le premier à être au courant de son adultère.

Etrange. On imaginait tout dans ces sphères nazies, sauf ce type de problèmes.

Goebbels tiendra une place importante dans le dispositif hitlérien malgré les rivalités qui l’opposa à d’autres coryphées du nazisme, et notamment le ministre des affaires étrangères Joachim von Ribbentrop qui tenta, maintes fois, de lui arracher des secteurs entiers de la propagande et de l’information relevant, en temps normal, de ses attributions.

Dans son journal dont seule une petite partie est mise aujourd’hui à la disposition du public francophone, nous voyons évoluer la maîtrise de la conduite de la guerre psychologique.

Ayant dû renoncer à l’invasion de l’Angleterre, ne pouvant plus cacher le désastre retentissant de Stalingrad, Goebbels impliquera sans cesse les juifs en leur imputant la responsabilité de la guerre qui coût, dit-il en mentant effrontément, des centaines de milliers de morts au Reich… Il osera même parler de la prophétie (oui, je dis bien prophétie) de Hitler, présidant au Reichstag l’éradication des juifs en Europe…

On se demande comment le délire avait pu prendre une si grand place dans la folie de ces gens.

Goebbels se devait de mobiliser la foi et d’entretenir l’ardeur non seulement des troupes engagés dans des combats à l’issue incertaine, mais aussi celle des populations civiles soumises à des bombardements aériens de plus en plus massifs.

Eh bien, face à cette détérioration générale de la situation militaire, notre propagandiste ne trouve rien de mieux à faire que de préparer la population allemande à la déportation des juifs de Berlin… Ils étaient environ 76000.

Et Goebbels de signaler le grand taux de suicides dans cette communauté. Un constat froid et mécanique…

La première mention de ce journal ; présente dans ce volume, date du Ier septembre 1939. L’agression contre la Pologne est imminente. On sent chez Goebbels une fébrilité assez compréhensible. Il parle des préparatifs que son département ministériel en charge, va même jusqu’à dire que la situation évolue d ‘heure en heure, ce qui rend impossible toute action préparatoire concernant les tracts, etc…

On a aussi des échos sur les craintes des nazis ; Londres va-t-il intervenir en cas d’invasion de la Pologne ? Que fera Paris ?

Quant aux Italiens ils avaient fait savoir la semaine précédente que leur armée était loin d’être prête. Mais on sent, dès les toutes premières lignes, que Goebbels ne fait pas encore partie du tout premier cercle des intimes du dictateur puisque la plupart de ses informations, concernant les décisions du Führer, lui viennent de Göring, donc de seconde main…

Le 2 septembre, les nouvelles sont convenables mais point triomphales. Goebbels annonce que sa loi punissant de mort l’écoute des radios étrangères (surtout radio Moscou) a été adoptée. Mais c’est un combat à plusieurs étapes : le ministre se plaint de l’action des juristes qui visent à diluer sa loi… Il porte aussi sur la France une appréciation remarquable le 6 septembre : les Français ont un comportement totalement passif.

Par rapport à cela, il stigmatise l’activisme britannique qui attaque déjà les villes allemandes à l’aide de bombardements aériens mais aussi en propageant des nouvelles que le propagandiste en chef d’Hitler jugent scandaleuses (sic) !

Goebbels se fait aussi l’écho des difficultés de ravitaillement des populations civiles allemandes, de la crainte de voir la guerre se prolonger et de la volonté d’Hitler ‘attaquer à l’ouest (la France) si Londres et Paris se refuser à signer un traité de paix, destiné à permettre au boa de digérer calmement sa proie. En ce qui concerne la propagande proprement dite, le ministre relève que les films allemands, donc de tendance nazie, sont bien plus demandés à l’étranger que précédemment. Etrange…

Que les Allemands aillent plus souvent au théâtre, au cinéma et aus spectacles, cela se comprend mieux, car il faut s’arracher à la guerre, mais que la propagande cinématographique nazie trouve facilement preneur à l’étranger, voilà qui ne laisse pas d’étonner.

Le 6 octobre 1939, Goebbels donne ss instructions pour la préparation du film sur les juifs des Gherri polonais, un film qui devrait inspirer du dégoût aux spectateurs et qui sera diffusé en 1940 sous le titre, Der ewige Jude (le Juif errant).

Après la capitulation de la Pologne et l’écrasement de son armée, Goebbels inscrit dans son journal la phrase suivante, le 10 octobre 1939 :La Pologne est liquidée (erledigt). Plus personne en vérité ne parle d’une résurrection de l’ancien Etat polonais…

En moins d’une ligne et demi, l’officiel nazi enterre tout un peuple et sa souveraineté.

Une autre perle, dans un tout autre domaine : le 10 mars 1940, notre homme écrivit ceci :le cinéma n’est pas un art, c’est une maladie contagieuse…

Pendant ce temps, les armées nazies envahissent d’autres pays, notamment de Scandinavie : le Danemark (malgré le traité de non agression signé en 1939 et la Norvège qui contrairement à son voisin, ordonne à son armée de résister à l’envahisseur… Le tour de la France n’est pas très éloigné. Après l’occupation de Paris qui fait (selon Goebbels) grande impression, le Führer lui annonce par téléphone qu’il faut donner à ce pays un très grand coup ; ils ont, dit-il, déclaré, maintenant ils devront pleurnicher pour obtenir la paix…

Goebbels n’omet pas de dire ce qu’il pense des initiatives italiennes au sein de la guerre et des relations entre Hitler et le dictateur Franco qui se rencontreront à Hendaye. L’auteur ne partage l’opinion de son chef sur le dictateur espagnol qui se veut grandiloquent mais ne fait rien car il ne peut rien faire, vu l’état de son armée. En revanche, Pétain trouve entièrement grâce à ses yeux en raison de son réalisme et de sa détermination… Etrange cet hommage rendu au chef de la France de Vichy par un Goebbels toujours prompt à rappeler que les Français resteront des Français…

L’année 1941 montre un net redressement de l’Angleterre qui attaque de plus en plus de villes allemands et a remporté une grande en Cyrénaïque, capturant près de 40.000 Italiens avec tout leur équipement. Mais le Reich tient encore bon. C’est le la fin de l’année 1942 qui laisse mal augurer de la suite, et donc de la fin de l’hitlérisme. Goebbels reconnaît sans peine que les Bolcheviks (comme il les nomme) posent de graves problèmes au Reich.

On pense assurément à Stalingrad et à l’effondrement de l’armée de von Paulus mais aussi à l’aveuglement de Hitler qui préféra sacrifier des centaines de milliers au lieu de reconnaître qu’il s’était trompé …

Maurice-Ruben Hayoun

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