ESPIONNAGE Merkel et Hollande déterminés à demander des comptes à Washington ; Obama en très mauvaise posture avec ses partenaires…« Les gens qui se font confiance ne se mettent pas sur écoute »


Saul Loeb/Eric Feferberg/AFP

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Le Brésil, le Mexique, la France et maintenant l’Allemagne : Barack Obama est affaibli sur la scène internationale par les griefs croissants de ses partenaires, outrés d’avoir été apparemment visés par les services de renseignements américains.

Depuis que l’ancien analyste du renseignement Edward Snowden, en fuite, a commencé à révéler cet été les détails des opérations de surveillance des données électroniques dans le monde par l’Agence de sécurité nationale (NSA), le président Obama s’est retrouvé dans une position de plus en plus inconfortable. Début septembre au G20 de Saint-Pétersbourg, le président avait dû réorganiser en catastrophe son emploi du temps pour des entretiens en tête à tête avec ses homologues mexicain et brésilienne. Tous deux avaient fait part de leur colère après des révélations de presse, a priori alimentées par M. Snowden, sur la surveillance de leurs communications personnelles par la NSA. L’affaire de la NSA a aussi porté un coup sévère à la cote de M. Obama en Europe, au moment où son administration a érigé en priorité la conclusion d’un accord de libre-échange.

La Maison-Blanche, depuis que les révélations sur la NSA ont commencé à s’empiler, assure qu’elle passe en revue ses pratiques et promet de trouver un équilibre entre « sécurité » des États-Unis et inquiétudes des partenaires de Washington pour la protection de leurs données. Des responsables américains, en privé, soulignent que tous les pays s’adonnent à l’espionnage, un argument qui risque de ne pas porter, selon Jackson Janes, spécialiste de l’Allemagne à l’Université Johns Hopkins. Toutefois, pour l’ancien agent de la Centrale américaine du renseignement (CIA) Joseph Wippl, l’Allemagne devrait se sentir honorée d’avoir été espionnée par les États-Unis. « La chancelière Merkel est quelqu’un d’important (…) Comment la NSA ne voudrait-elle pas écouter la personne la plus puissante au monde après le président Obama ? » s’interroge-t-il.

Merkel critiquée

En Allemagne, la presse, tout comme l’ensemble de la classe politique, a réagi avec véhémence à l’annonce selon laquelle le téléphone de la chancelière pourrait avoir été placé sur écoute par les services secrets américains. L’information, donnée par la chancellerie, a créé un choc dans le pays, marqué par deux dictatures, le national-socialisme, puis le communisme en ex-Allemagne de l’Est, qui avaient systématisé l’espionnage des citoyens. L’Allemagne demande des comptes à son allié américain, comme l’a souligné le président du Parti social-démocrate (SPD), Sigmar Gabriel. Le ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a convoqué hier l’ambassadeur américain à Berlin, pour que la position du gouvernement lui soit « clairement exposée ». « Les gens qui se font confiance ne se mettent pas sur écoute. Celui qui le fait quand même entache l’amitié », a déclaré le ministre après l’entretien. « Nous attendons qu’enfin toute la lumière soit faite, complètement et honnêtement » sur cette affaire, a-t-il ajouté. Par ailleurs, le parquet fédéral, chargé des affaires d’espionnage, a annoncé étudier le dossier, prélude à une éventuelle enquête officielle.

Mais au-delà de l’indignation à l’égard de « l’ami américain », l’affaire suscite également une volée de critiques à l’attention d’Angela Merkel, accusée de ne pas avoir été assez ferme vis-à-vis du président américain Barack Obama. Pour sa part, Mme Merkel, qui avait protesté la veille auprès de M. Obama, a lancé hier une mise en garde sévère à Washington, affirmant que « l’espionnage entre amis, ça ne va pas du tout ». Si ces informations étaient confirmées, ce serait « totalement inacceptable » et porterait un « coup sérieux à la confiance » entre l’Allemagne et les États-Unis, a prévenu la chancelière. Le ministre allemand de la Défense, Thomas de Maizière, a lui reconnu qu’il s’attendait à ce que son téléphone soit sur écoute, mais pas par les États-Unis. De son côté, la Maison-Blanche a refusé de dire si les États-Unis avaient espionné dans le passé les communications de la chancelière. Jay Carney, porte-parole de l’exécutif américain, a affirmé qu’il ne commenterait pas « des accusations spécifiques qui ont été portées » dans cette affaire.

Et même l’Italie…

L’Italie serait également concernée. Les Italiens ont été espionnés non seulement par les services américains mais également par les Britanniques, a ainsi affirmé le journaliste Glenn Greenwald à l’hebdomadaire italien L’Espresso, dans son édition à paraître aujourd’hui.

Ce scandale s’est naturellement imposé hier au sommet européen de Bruxelles. Cette affaire a mis sous tension la réunion des chefs d’État et de gouvernement qui se présentait comme un sommet « de routine » consacré notamment à l’économie numérique. Elle a été discutée entre Mme Merkel et le président français François Hollande au cours d’un entretien bilatéral « afin de coordonner leur réaction », a indiqué une source diplomatique française.

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a mis en garde contre le « totalitarisme », insistant sur le « droit fondamental » au respect de la vie privée. Parmi les autres dirigeants ayant réagi, l’Italien Enrico Letta a demandé « toute la vérité » tandis que le Belge Elio Di Rupo réclamait des « mesures européennes » contre « cet espionnage systématique ». Le Premier ministre britannique, David Cameron, ne s’est pas exprimé devant la presse, contrairement à son habitude.

Signe de l’incapacité des Européens à afficher un front uni, leurs divergences sur le projet de loi sur la protection des données présenté il y a plusieurs mois par la Commission européenne. « Maintenant, il faut agir et pas seulement faire des déclarations », a lancé la commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding, appelant les dirigeants européens à faire en sorte que la réforme soit adoptée « d’ici au printemps 2014 ». Le Parlement européen a demandé à la Commission de suspendre un accord UE/États-Unis sur le transfert de données bancaires, signé dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme.

OLJ/Agences | 25/10/2013
lorientlejour.com Article original

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