Recordman du monde du 100 m en 1941, héros de la France de Vichy avant d’être déporté à Auschwitz, le nageur juif survit à l’horreur et participe aux Jeux olympiques de Londres de 1948. Son destin est raconté à travers une exposition.

Alfred Nakache (ici en 1946) consacra toute sa vie à son sport. Dès l’automne 1945, quelques mois après sa libération des camps, il retrouve son titre de champion de France. eprend l’entraînement peu de temps après sa libération des camps, au printemps 1945. d’Alfred Nakache (1915-83), champion franais de natation : 6 titres de champion de France sur 8 titres en 1942, recordman du monde du 200 m, recordman d’Europe des 100 et 200 m brasse dans les annes 40.

Ce 7 juillet 1941, la France est fière de son héros. Le nageur Alfred Nakache bat le record du monde du 100 m brasse, restaurant un peu de la dignité nationale perdue en juin 1940. « C’était un bras d’honneur aux Allemands », explique le documentariste Christian Meunier qui a réalisé pour France 3 en 2001 un film sur Alfred Nakache (1). Avant de se lancer dans cette aventure, le cinéaste ne savait pas grand-chose de ce personnage oublié, qui fut un des plus grands champions des années 1930. « Je savais qu’une piscine de Toulouse portait son nom, mais c’est à peu près tout », raconte-t-il.

De fait c’est à Toulouse que le nageur se réfugie durant l’hiver 1941-1942. Quelques semaines seulement après son exploit marseillais, il a dû quitter son emploi de professeur de gymnastique au prestigieux lycée Janson-de-Sailly, à Paris. L’interdiction d’occuper un emploi public en zone occupée pour les juifs, dont il a longtemps pensé que son statut de vedette le préserverait, a fini par le rattraper. « C’est sans doute à ce moment-là qu’il prend conscience de sa judéité », explique l’historien Patrick Clastres, commissaire de l’exposition organisée jusqu’en mars au Mémorial de la Shoah (lire ci-dessous) .

« Jusque-là, c’est juste un petit gars de Constantine devenu champion de haut niveau qui aspire à la gloire sportive, poursuit l’historien. Il est probable qu’il ne se soit pas rendu compte que les autorités vichystes s’étaient servies de sa célébrité pour des raisons politiques. » Le voile s’est déchiré au cours de la célèbre tournée de Jean Borotra en Afrique du Nord, quand le commissaire aux sports de Vichy promène 150 athlètes de haut niveau dans les colonies. « Nakache est sifflé et, pour la première fois, il se fait traiter de sale juif », raconte le réalisateur Christian Meunier.

DÉPORTÉ

La suite est tragique. Arrêté en décembre 1943, il est déporté avec sa femme et sa fille à Auschwitz où il arrive le 23 janvier 1944. Lors du sinistre tri sur le quai d’arrivée, il est reconnu par un officier SS qui lui indique le côté gauche, celui des hommes solides appelés à survivre. Sa femme et sa fille, elles, seront dirigées du côté droit, celui dont on ne revient pas.

Sans doute aidé par une constitution physique exceptionnelle, il résiste aux mauvais traitements. Y compris à l’humiliation imposée par les gardiens qui l’obligent à aller chercher avec les dents un poignard qu’ils ont jeté au fond de la piscine (en fait un bassin de rétention d’eau prévu pour les incendies). Sa résistance à lui consiste à défier ses bourreaux en improvisant à leur insu des séances de baignade dans la piscine en compagnie de quelques camarades. En janvier 1945, le camp est évacué sous la menace de l’avancée de l’armée rouge.

RECORD DU MONDE DE RELAIS

Alfred Nakache participe à la marche de la mort, au cours de laquelle les survivants des camps d’extermination sont menés dans des camps d’internement. Lui se retrouve à Buchenwald, d’où il est libéré en avril. Quelques jours après son retour à Toulouse, il reprend l’entraînement et retrouve son titre de champion de France quatre mois plus tard, aux premiers championnats de l’après-guerre, organisés à l’automne 1945.

En août 1946, il bat un record du monde de relais avec ses camarades du club de Toulouse et participe aux Jeux olympiques de Londres, en 1948. Nageant une nouvelle fois pour l’honneur de la France. « Après tout ce qu’il avait subi, cela paraît incroyable, reconnaît l’historien Patrick Clastres. Mais il ne faut jamais lire le passé avec le regard d’aujourd’hui. Nakache était comme la plupart de ses contemporains un otage pris dans le nœud coulant de son époque. Sa vie c’était de nager, alors il nage, quelles que soient les circonstances. »

(1) Ce film, intitulé Le Nageur d’Auschwitz , sera projeté le 1er décembre au Mémorial de la Shoah dans le cadre de l’exposition sur les sportifs durant la période nazie.

Jean-François FOURNEL

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Alfred Nakache, nageur emblématique, à la carrière sportive impressionnante et rattrapé par les pages les plus sombres de notre histoire.

Sa vie retracée dans ce documentaire riche en archives et témoignages. Sortie en DVD cette semaine.

Alfred Nakache était un phénomène. Adolescent, il quitte son Algérie natale pour aller s’entraîner à Paris et entamer une brillante carrière de nageur. Très vite, il collectionne les podiums et les records. Il devient un champion, une vedette. La guerre survient, puis l’exode en zone « non occupée », l’arrestation à Toulouse et les camps. Toute sa vie est bouleversée mais lui ne change pas, humain dans les bassins, humain dans la vie, humain dans les camps.

Le retour à la liberté est difficile, sa femme et sa fille ne reviendront pas de Buchenwald, mais sa force vitale est hors du commun. Il la mobilise tout entière en vue de la reconquête de ses titres. Et il y parvient. Titres et records pleuvent à nouveau : deux records du monde, un record d’Europe, deux records de France ; et il est champion de France à cinq reprises. La trace que Nakache laisse sur la terre dépasse largement le domaine sportif, il est à lui tout seul un symbole de vie.

Mais on lit bientôt dans une certaine presse française que le champion « souille les eaux des piscines françaises ». En 1943, il est arrêté par la Gestapo et transféré à Drancy avec sa famille. Il est ensuite déporté à Auschwitz où sa femme et sa fille vont trouver la mort. Transféré à Buchenwald, il sera libéré en 1945.

De retour en France, il reprend aussitôt l’entraînement et redevient champion de France à 31 ans avant de battre un nouveau record du monde.

Alfred Nakache, Le Nageur d’Auschwitz est un film édifiant qui au travers d’interviews, de témoignages, d’articles de presse et d’images d’archives, rend hommage à ce sportif au destin exceptionnel qui croisa la folie des hommes.
Au fil de ce voyage, des proches, amis, parents, coéquipiers, compagnons de déportation se souviennent des moments drôles ou tragiques partagés avec celui qui, selon un des témoins, « marchait comme Charlie Chaplin, riait comme Henri Salvador et nageait avec passion. »

Si les Toulousains fréquentent la piscine Nakache, connaissent-ils pour autant l’étonnant destin d’Alfred Nakache dont le nom fut donné, après la Libération, à la piscine d’hiver du Parc municipal des sports.

Rien ne prédestinait le futur champion à s’enraciner dans la « ville rose » aux Dauphins du TOEC. Né en 1915, dans la communauté juive de Constantine, alors française, surnommée La Petite Jérusalem en raison des liens très forts d’immigration avec la Terre promise, le jeune Nakache se découvre de réelles qualités physiques pour la natation. Afin d’aller au bout de sa passion, il rejoint Paris, en 1933. Il a 17 ans. Deux ans plus tard, il décroche son premier titre de champion de France. Tout en intégrant l’Ecole normale supérieure d’éducation physique (ENSEP), le jeune nageur profite de la politique sportive du Front Populaire. Sélectionné aux JO de 1936, à Berlin où il ne put donner la mesure de son talent, Nakache appartient à cette génération de sportifs dont la carrière fut brisée à cause de la politique et de la guerre. Et ce, alors qu’il s’était affirmé entre 1937 et 1938 comme un athlète de premier plan, de surcroît très populaire dans la presse sportive.

Dès le début de l’Occupation, quand Pétain abolit le décret Crémieux, le champion Nakache, plusieurs fois primé, est déchu de sa nationalité française. Il décide alors de se réfugier, avec sa femme, en zone non occupée, à Toulouse dans le quartier Saint-Cyprien où il bénéficie des solidarités du milieu sportif. Il est accueilli, en 1941, par l’entraîneur Albin Minville dans le club du TOEC, fondé en 1908. Dans ce milieu chaleureux, il poursuit la natation, diversifie ses nages tout en améliorant sa technique. Le club lui fournit aussi un travail comme responsable d’une salle de sport, rue Paul-Féral.

Denis Baud reconstitue les étapes vers l’enfer, la séparation de la famille, la chambre à gaz pour sa femme et sa fille alors que sa constitution physique sauve le nageur. Matricule 172763.

Film de Christian Meunier

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Didier3007

Vous oubliez notre Cher Noah Kliger, qui boxait un peu aussi et qui est devenu journaliste sportif pour la presse israelienne,disparu il y a quelques mois…

James

Le plus affligeant, c’est que La France ne reconnait toujours pas et ne s’excuse pas publiquement de sa participation {{active}} au 3eme Reich en ce qui concerne ses citoyens Juifs.
Vichy ou pas Vichy, c’etait La France quand meme.
Rappelons nous Mr Sarkozy, elu nouveau a la presidence, clamer que la France n’est pas coupable ! !

duconneau

Alfred Nakache est né a Constantine, oui mais il n’etaitplus Français car le gouvernement de vichy lui a royalement retiré la nationaqlité Française pour plaire a Hitler……

duconneau

La France ne changera jamais, c’est fou quand il s’agit de détruire quelqu’un on rappelle toujours, ses origines, mais quand il s’agit de l’ensencer il est FRANKAOUI , les petits voyous des cités, origine magrebienne même s’ils sont nés a Sarcelles et que leur p,re et grand pére aussi…..
Enfin pour mémoire Alfred Nakache, comme Young Perez, sont deux JUIFS nés en Tunisie, et envoyés à Auchwitz a ce titre de JUIF et non Français, YOUNG Péréz BOXEUR champion du monde ,
Un merveilleux livre a été écrit  » le boxeur d’auchwitz »

rneiger

J’ai fait toute ma scolarité de 1936 à 1947 à janson de Sailly; j’ai moi-même été interné aux camps deDrancy et de Vittel. Bien que peu attiré par le sport et les exercices physiques, j’ai beaucoup apprécié Nakache qui est le seul professeur de gym dont je me souviens du nom. Je l’ai eu comme prof en 45-46 ou 47-48 sans être au courant de ses qualirtés sportives que j’ai appris beaucoup plus tard. J’achetrai certainement le DVD