Le livre d’Esther ne nous livre que peu de détails sur la reine Vachti. Nous savons d’elle qu’elle a organisé un banquet pour les femmes en même temps qu’Assuérus, son mari, offrait un festin au peuple de Suse. Nous apprenons aussi qu’elle a refusé de se présenter devant la cour royale et qu’elle a été aussitôt répudiée par son seigneur et maître, lequel a saisi cette occasion pour affirmer la primauté de l’homme sur son épouse.

Et pourtant, sans Vachti il n’y aurait pas eu d’Esther, de sorte qu’on peut se demander si elle n’aurait pas mérité mieux dans le récit biblique.

En vérité, la discrétion du texte est largement compensée par l’abondance des détails que nous fournit la tradition midrachique.

En premier lieu, on nous apprend qu’Assuérus a commencé par « régner », et non qu’il était déjà « roi » (Esther 1, 1), et que ce n’est que dans la « troisième année de son règne » (1, 3) qu’il a offert un banquet aux membres de sa cour.

Que s’est-il passé pendant ces trois ans ?

Selon le Midrach, Assuérus n’était roi que parce qu’il était le mari de Vachti. Il lui a fallu trois ans pour s’affirmer comme monarque, et c’est pour marquer son triomphe, et aussi pour asseoir solidement son pouvoir jusqu’alors précaire, qu’il a convié les membres de sa cour à un banquet de 180 jours.

Nous savons, par le livre de Daniel (Voir notamment son chapitre 5) que le royaume de Babylone, dont le dernier roi a été Balthazar, a été conquis par les Mèdes. Ceux-ci, avec les Perses, ont été désormais les maîtres de tout le Moyen-Orient.

Or, Vachti était la petite-fille de Nabuchodonosor, roi de Babylone (Meguila 10b). La nuit où fut tué Balthazar, elle fut enlevée par Darius, roi des Perses. Celui-ci la prit en pitié et la donna pour épouse à Assuérus.

De sang royal, elle ne pouvait avoir que du ressentiment envers les conquérants du royaume de son grand-père, ce qui explique son refus d’être exposée aux regards du peuple de Suse lorsque son mari, pris de boisson, ordonna qu’elle lui soit exhibée.

Le texte, si on le lit attentivement, souligne son état d’esprit. Alors que le roi avait ordonné qu’on lui amène « Vachti la reine », c’est de « la reine Vachti » qu’est venu son refus (1, 11 et 12), comme si l’auteur du livre d’Esther avait voulu marquer qu’elle avait voulu, dans sa rébellion, affirmer son origine royale : Elle était « reine », et ce avant d’être devenue l’épouse d’un roi.

De même, lorsqu’elle a organisé un banquet pour femmes, c’est dans « la maison royale » qu’elle a reçu ses invitées (1, 9), et non « dans la cour du jardin du palais du roi » comme l’a fait son mari (1, 5). En d’autres termes, elle a choisi de rester bien à l’abri sous les ornements du palais, et d’abandonner à son mari et à ses invités les jardins qui l’entouraient, assurément moins prestigieux que les salles de la demeure royale.

Vachti, Esther et Zérech, la femme de Haman, trois femmes au caractère bien trempé et à la forte personnalité. Elles n’avaient pourtant été choisies pour épouses qu’à cause de leur beauté physique, comme il apparaît pour Esther qui « n’avait pas révélé son peuple ni sa naissance » (2, 10). On comprend mieux la crainte qu’ont éprouvée Assuérus et sa cour de voir se développer, à la suite de l’insoumission de Vachti,  un « Mouvement pour la libération de la femme », et il n’est pas étonnant qu’ils aient pris aussitôt les mesures qui s’imposaient pour préserver l’autorité des maris.

Jacques KOHN

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires