« L’Identité malheureuse » sort en librairie le 16 octobre et fait déjà débat.

Le philosophe a répondu aux questions du Point.Le Point : On vous disait réactionnaire. Ne seriez-vous pas plutôt devenu identitaire ?

Alain Finkielkraut : Je ne suis certainement pas devenu identitaire, mais, depuis peu, je m’interroge sur l’identité française. Jusqu’à une date très récente, la France, je n’y pensais pas plus qu’à l’air que je respire. J’étais reconnaissant à mon pays des possibilités qu’il m’avait données d’être ce que je voulais être, mais je me définissais politiquement, et non nationalement : dans ma période progressiste, comme dans ma période antitotalitaire, l’universalisme était ma patrie. Le mot  » identité  » ne me venait à l’esprit que pour qualifier ou questionner la composante juive de mon être.

En somme, vous étiez un  » Juif imaginaire « , mais pas un  » Français imaginaire  » ?

Français, je l’étais par la langue, par l’école, par la littérature : c’était une évidence, ce n’était pas une affirmation.

Qu’est-ce qui a changé ? Pourquoi cette évidence tranquille a-t-elle volé en éclats ?

J’ai été brutalement renvoyé à mon identité par ceux qui, de plus en plus nombreux, déclarent leur hostilité au pays d’accueil et par le défi à nos valeurs et à nos moeurs que représentent leurs références et leurs usages.

Qui sont  » ceux  » dont vous parlez ? Les musulmans français ?

Je parle, précisément, des attaques contre la laïcité venues de la frange la plus militante et la plus sectaire de l’islam en France. En 1989 éclate l’affaire du voile au collège de Creil : Elisabeth Badinter, Régis Debray, Elisabeth de Fontenay, Catherine Kintzler et moi-même appelons le ministre de l’Education nationale à la fermeté dans un texte intitulé  » Profs : ne capitulons pas !  » Nous sommes alors critiqués de toutes parts.

Et je découvre que la forme de laïcité que je tenais pour une valeur universelle est une singularité française. C’est ainsi que, tout d’un coup, l’identité nationale me revient dans la figure.

Parce qu’elle serait plus heureuse, cette identité, s’il n’y avait pas un seul immigré musulman en France ? Allons ! Vous savez bien qu’à l’heure de la mondialisation, économique et technologique, il est très difficile de construire un  » nous « … L’immigration n’explique pas tout !

Nous sommes au confluent de deux phénomènes : une immigration que nous ne savons plus maîtriser, et qui débouche en France sur une crise aiguë de l’intégration, et un processus démocratique, lui-même incontrôlable, qui en vient à aplatir toutes les hiérarchies. Au nom du principe de  » non-discrimination « , la France plonge voluptueusement dans l’océan de l’indifférencié.

Parce que vous, vous êtes pour les discriminations ?

Je suis pour le discernement. Or, au prétexte de lutter contre les discriminations, on renonce à l’assimilation, cette vertu de la civilisation française qui m’a permis d’être français sans m’empêcher d’être juif. Elle a d’abord été remplacée par l’intégration, puis, aujourd’hui, par la  » société inclusive « , concept introduit dans un rapport du conseiller d’Etat Thierry Tuot. Ce fonctionnaire lyrique oppose, à une France repliée sur  » la célébration du village d’autrefois « , la diversité de ses sources de peuplement et la magnificence de ses visages contemporains.

Citant Novalis, il exalte  » l’étranger, superbe aux yeux profonds, à la démarche légère, aux lèvres mi-closes, toutes frémissantes de chants « . Mais le village d’autrefois, c’est encore – pour combien de temps ?- la ville d’aujourd’hui, où règne la visibilité heureuse du féminin. C’est cette mixité française que protège l’interdiction du voile à l’école et de la burqa dans l’espace public. Ici, la coexistence des sexes ne doit pas être réglée par la séparation. Ce principe n’est pas négociable.

Il n’en soulève pas moins une difficulté de taille : comment distinguer la critique des idées et la haine des personnes, le refus d’un certain islam et le rejet des musulmans ?

Les lois sont là pour faire la différence. Une enseignante rencontrée lors d’un débat a eu cette phrase merveilleuse :  » On n’exclut pas les jeunes filles, on exclut le voile.  » C’est très simple.

Pas pour tout le monde… C’est ce que d’aucuns appellent l’islamophobie…

Pour ceux-là est islamophobe toute mesure qui entend soumettre les musulmans aux lois de la République, car ce qu’ils veulent, sous couleur de lutter contre le racisme antimusulman, c’est soumettre la République aux exigences de l’islam.

L’islamophobie véritable consisterait à dire : votre religion est incompatible avec notre identité, vous n’avez rien à faire ici.

Cette attitude doit être combattue avec la dernière énergie, mais nous avons le devoir, en vertu des lois mêmes de l’hospitalité, d’exiger le respect de nos règles et de nos valeurs.

Sauf que, quand vous dites  » nous « , ils vous rappellent qu’ils en font partie puisqu’ils sont français. Ils ne sont plus des immigrés…

Mes parents non plus, et je détesterais qu’on me dise, à l’instar de Maurras, que, Français de fraîche date, je ne peux comprendre le vers de Racine :  » Dans l’Orient désert quel devint mon ennui.  » Reste que, pour moi, être français, ce n’est pas être une composante de la diversité française. La France en moi, ce n’est pas moi, c’est Racine.

Pour autant, l’identité française est-elle immuable, de sorte qu’il faudrait l’aimer ou la quitter ?

Je ne suis pas un Français de souche et, déjà, je suis français autrement que mes parents. Mais, en même temps, je ne suis pas français comme l’était le général de Gaulle. J’ai toujours en tête la phrase magnifique de Levinas sur Blanchot, auquel il fut lié par une indéfectible amitié. Pour Levinas, Blanchot était  » comme l’expression même de l’excellence française « .

Levinas n’était donc pas français comme Blanchot était français, et il le savait. Si on nous interdit ce savoir, on nous rend complètement idiots. C’est cela : l’antiracisme actuel fait de nous des imbéciles ! Au lieu d’un principe de résistance, c’est une forme de lobotomie. (…)

Si nous voulons, ou devons, vivre ensemble, ne faut-il pas se contenter d’une sorte de règlement intérieur ?

Quand, dans un quartier, il y a plus de femmes voilées que de femmes au visage et à la chevelure découverts, les autochtones s’en vont. Ils n’ont pas, comme on aime à dire, la  » phobie de l’autre « . Ils se sentent devenir autres sur leur propre sol et ils ne le supportent pas. Ont-ils tort ? Ont-ils raison ? En tout cas, plus on parle de métissage, plus le territoire se couvre de frontières.

Et plus on célèbre la disparition des frontières, plus la popularité de Marine Le Pen grimpe.

Le malheur de la France, c’est bien que cette angoisse ne soit entendue et prise en charge que par des gens que je continue de considérer comme infréquentables. Mais quand d’autres s’y essaient, regardez ce qui leur arrive. Les ministres du gouvernement ont été invités à livrer leurs réflexions sur la France de 2025.

Or on ne peut pas réfléchir à la France de 2025 sans faire des projections démographiques. Manuel Valls les a faites et en a conclu qu’il faudrait peut-être réviser la politique du regroupement familial. Un froid polaire est alors descendu sur le conseil des ministres. On se tient chaud jusqu’au sommet de l’Etat en fermant les yeux.

Nos gouvernants n’ont-ils pas raison de s’inquiéter du  » vivre-ensemble « , si peu satisfaisant que soit ce terme à la mode ?

C’est lorsque, dans toujours plus d’établissements scolaires, l’enseignement devient un  » sport de combat  » que l’expression  » vivre-ensemble  » entre dans la langue commune. Le succès du mot vient de la désintégration de la chose. Dans les années 60 et 70, il y avait certes des luttes, mais la France, sans le savoir, était une nation homogène et le  » vivre-ensemble  » allait de soi. (…)

Propos recueillis par Élisabeth lévy et Christophe Ono-Dit-Biot

À lire en intégralité dans Le Point n° 2143 actuellement en kiosque

Le Point.fr Article original


L’invité de 8h20 : Alain Finkielkraut par franceinter

TAGS : Déni France démographie Alteracisme Finkielkraut

Voile Islamique Islamophobie laïcité Lévinas De Gaulle

Intégration Assimilation

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Richard

Non, adaptation=prendre en consideration son environement i.e les valeurs d’unpays d’acceuil tout en ne reniant pas ce que l’on est.

DANIELLE

C’est-à-dire, concession et ensuite élimination !

Richard

adaptation

DANIELLE

Alain Finkielkraut, où situez-vous la limite entre l’intégration et l’assimilation ?

Armand Maruani

{{Il est trop tard . Toute cette littérature est dépassée .}}

{{Chaque matin à notre réveil nous apprenons que des embarcations de fortune tentent de rejoindre nos cotes par centaines . Nos aéroports et nos frontières terrestres sont des passoires .
}}

{{Ces immigrés une fois arrivés sur notre sol ont des droits que n’ont pas nos nationaux . Je ne vais pas les citer tous .}}

{{Et si par malheur , en application de la loi on les renvoie chez eux , nos chères associations et mouvements  » anti racistes  » de tous bords sont là pour crier au scandale .
}}

{{Voilà la réalité et chaque jour notre drapeau passe du  » bleu , blanc , rouge  » au vert avec un croissant .}}

{{Quant à la  » Marseillaise  » , elle ne sera qu’un vieux souvenir comme la bataille de  » Valmy  » du temps des Demouriez et Kellerman .}}

Rail

Que dire ?

Sans passer pour une raciste , se qui est courant en France quant on exprime certaines angoisses , je ne suis pas islamophobes ou raciste puisque j’ai toujours été une femme de paix , mais, mes inquiétudes viennent du fait qu’effectivement certains ne se sont pas assimilés aux valeurs que défend la France , et certains y font venir de l’intégrisme à l’intérieur du pays , d’ou le danger , comment luter contre ces menaces réelles ? C’est ça la question que je me pose , et peuvent -ils encore y faire quelque chose ? Alors que tout indique le contraire , nous voyions de plus en plus de jeunes fanatisés ( sans faire de généralités , se sont les idiots qui en font) peut on mettre tous sur le dos de la crise ? Je pense qu’il y a eu de toute part des erreurs commises , se qui à donner ou plutôt ouvert les portes aux intégristes qui eux l’on bien compris , traiter les gens de raciste comme souvent le font les médiats , c’est facile pour eux , mais que les français soient inquiets sur comment vont tournées les choses , sachant que nos pouvoirs ne sont plus les mêmes puisque tout dépend de l’Europe , la juive que je suis a de quoi se poser de réelles questions , je suis comme une partie la population en France dans le brouillard , parce que la France que j’ai connu je ne la reconnais plus , que l’intégrisme me fait peur . Nous sommes un pays qui avons une histoire défendant une culture , des littératures etc.. une langue , une vraie particularité française , une identité , cela fait il de moi une raciste d’aimer mon pays , avec cet héritage historique ! Je suis juive , mais je suis née aussi dans un pays judéo chretien , et bien je me suis assimilée naturellement , comme l’on fait des arabes des noirs , etc , mais d’autres ne se sont pas assimilés refusant les valeurs de la France , ça culture et son identité ( je ne fais jamais de généralité ) mais se sont des vérités quant on ose le dire on se fait traiter de raciste , alors que toute ma vie j’ai échangé avec des catholiques , des arabes , des Musulmans sans aucuns problèmes , respectant se qu’ils étaient sans vouloir les changer , et eux sachant que j’étais juive n’essayant pas de me changer .Aujourd’hui certains refusent ça c’est aussi une réalité et je dis bien certains , voulant nous imposer , et c’est ça qui est le plus inquiétant !