Les parents d'Hada Goldin/Photo Flash 90

L’affaire des dépouilles retenues par le Hamas :

L’Etat d’Israël pris entre deux impératifs©

 

La démission du haut fonctionnaire israélien, Lior Lotan, chargé de négocier le rapatriement des soldats, morts ou encore en vie et retenus par le mouvement islamiste Hamas,  a mis le feu aux poudres. Toute la presse israélienne en a fait ses gros titres. En effet, l’Etat juif, et tout spécialement son armée, sont pris, pour ainsi dire, entre deux feux : l’un est d’ordre sécuritaire exclusivement, l’autre d’ordre éthique, ce qui veut dire qu’il touche aux principes mêmes gisant au fondement de l’Etat juif.

Qu’est-ce à dire ? Tout simplement que les principes moraux justifiant la création, le maintien et la défense les armes à la main de cet Etat si contesté par ses ennemis, sont en jeu. Et si Israël ou son armée ne les respectait plus, la légitimité d’un tel Etat, juif et agissant conformément aux exigences ethico-religieuses du judaïsme, serait contestée.

Que faire ? Sacrifier les principes moraux sur l’autel sécuritaire ou privilégier la force de l’Etat, envers et contre tout ?

Les familles des deux soldats disparus et dont les dépouilles sont retenues par le mouvement terroriste ont clamé leur indignation. Et qui pourrait le leur reprocher ? Certains commentateurs, plus réalistes et dominant leur émotivité, répliquent que la pression médiatique des familles et de l’opinion publique sur le gouvernement de Jérusalem renforcent la main des ravisseurs et les soutiennent indirectement mais efficacement dans leurs demandes maximalistes puisque le Hamas n’a qu’à attendre tranquillement que ses demandes soient satisfaites.

Dans ce contexte, l’affaire du soldat franco-israélien Guil’ad Chalit est citée en exemple. Tant les membres du gouvernement que des secteurs entiers de l’opinion jugent que ce fut une erreur d’échanger un seul soldat vivant contre près d’un millier de terroristes dont certains avaient du sang sur les mains. On précise que plus de deux cents libérés ont été repris les armes à la main après avoir assassiné sept citoyens israéliens. Donc, un tel scénario à la Chalit est exclu.

Le ministre de la défense s’est exprimé dans ce sens, ce qui lui a valu une véritable volée de bois vert de la part d’un père de soldat mort dans l’accomplissement de sa mission (nafal be-millouy tafkido).

Et c’est là que l’affaire se complique, car Tsahal a passé un contrat moral avec les familles de ses soldats : il doit les ramener à la maison, même morts. C’est un impératif en Israël où la loi juive doit être, en principe, respectée : on n’abandonne pas les soldats juifs, morts sur le champ de bataille. Ce principe sacro-saint est né dans la littérature rabbinique.

Quelles furent les circonstances de son entrée en vigueur ? C’est très simple : les vicissitudes de l’histoire juive ont multiplié les cas où des juifs, femmes ou enfants, furent victimes de rapt et contraints d’abandonner la foi de leurs ancêtres. Or, la plupart des ravisseurs étaient soit des idolâtres, soit des adeptes d’autres confessions qui profitèrent de cette situation de faiblesse pour leur imposer de conversions forcées.

Les folios talmudiques sont remplis de cas où, à Rome ou ailleurs, de jeunes enfants capturés sont vendus au marché des esclaves. On raconte l’épisode d’un sage talmudique qui cite un verset du prophète (Jérémie 40 ;3) et l’enfant enchaîné, destiné à la vente comme esclave qui l’écoute, cite de tête la fin de ce même verset..

Et cela impressionne profondément le sage : si Israël est dans le malheur, si ses enfants (tinok) sont vendus sur les marchés aux esclaves, c’est parce que le peuple a désobéi aux lois divines… De telles scènes, dramatisées à souhait dans la littérature traditionnelle ont conduit à la théorisation de ce qui allait devenir un devoir religieux : on n’abandonne pas un juif, civil ou militaire, aux mains de l’ennemi, qu’il soit civil ou religieux car on prendrait alors le risque de conduire un membre de la communauté d’Israël à être converti de force à une autre croyance. Ce qui constituerait une faute, un péché impardonnable.

La libération des otages ou le rapatriement de leur corps sans vie est donc un devoir religieux que Tsahal a repris en l’adaptant. On a même parlé, lors de la dernière guerre contre Gaza, de l’opération Hannibal qui consiste principalement à faire feu de toutes pièces quand son soupçonne l’enlèvement d’un soldat au cours d’un engagement dans le secteur.

Même Maimonide (1138-1204) avait œuvré en personne pour le rassemblement d’une rançon en vue d’obtenir la libération d’un otage. Il avait rédigé une lettre officielle remise à deux envoyés (chelihim) chargés de faire le tour des communautés d’Egypte pour rassembler la somme d’argent nécessaire à cette libération. C’est Dov Goiten (dans les Mélanges Georges Vajda, Peeters, Leyde, 1981) qui nous l’apprend en présentant un texte autographe de Maimonide trouvé dans la Gueniza du Caire…

Depuis cette époque, cette doctrine n’a pas changé mais les circonstances, elles, ont changé, notamment depuis que l’Etat d’Israël s’est trouvé confronté à de telles situations.

Lorsque le Hezbollah a entretenu le doute sur le sort des deux soldats israéliens dont on savait qu’ils étaient morts, sans toutefois en être certains, la loi juive s’est à nouveau retrouvée au contre des débats : les deux épouses de ces soldats ne pouvaient ni faire leur deuil ni même refaire leur vie, car on n’était pas absolument sûr que les deux hommes n’étaient plus de ce monde. Aucun rabbin n’aurait accepté de célébrer le mariage d’une femme avec un homme alors qu’elle était peut-être déjà mariée à un autre dont on n’avait pas la certitude qu’il était bien mort. Ce serait sacraliser la prostitution… Le talmud édicte un certain nombre de mesures à respecter pour tirer l’affaire au clair. Mais dans tous les cas, l’affaire est douloureuse. Les femmes concernées étaient donc des agunot ; c’est le cas encore de l’épouse d’un militaire israélien porté disparu au Liban depuis plus de trente ans…


Israël est  donc pris entre deux impératifs puissants : continuer de se défendre, ne pas céder aux chantages ni aux pressions, ou, au contraire, s’exposer à ce chantage des terroristes et céder aux demandes des familles concernées qui ont le droit de faire leur détail et d’offrir à leurs enfants une sépulture juive.


Israël est  donc pris entre deux impératifs puissants : continuer de se défendre, ne pas céder aux chantages ni aux pressions, ou, au contraire, s’exposer à ce chantage des terroristes et céder aux demandes des familles concernées qui ont le droit de faire leur détail et d’offrir à leurs enfants une sépulture juive.

Cet Etat est continuellement confronté à des situations intenables : soit baisser la garde, ce qui est impossible, soit abdiquer ses valeurs fondamentales, ce qui le priverait du fondement moral de son existence.

Dans les cas qui nous occupent, les familles Goldin et Shaul, les demandes de restitution des corps devraient être acceptées par les ravisseurs. Pour la raison suivante : les Israéliens s’insurgent contre les prisons quatre étoiles où Israël regroupe les terroristes du Hamas avec tant de services à leur disposition : traitement médical suivi, possibilité de recevoir des visites, de poursuivre des études en prison, de se présenter à des examens, etc…

Certains demandent même d’imiter Mahmoud Abbas qui a réduit, de lui-même, les fournitures d’électricité à ses frères ennemis du Hamas.

En gros, de leur couper les vivres.

Il est vrai que si Israël réduisait ou cessait ses approvisionnements (humanitaires) à la bande de Gaza, celle-ci connaîtrait alors une véritable catastrophe humanitaire. Même s’ils ne constituent pas la majorité de la population, les Israéliens de gauche manifesteraient contre de telles mesures.

Mais si la pression se faisait très forte sur le gouvernement, il n’est pas exclu que Benjamin Netanyahou s’oriente vers une tout autre voie car Israël détient un certain nombre d’atouts dont il pourrait se servir en cas de besoin.

Un dernier principe talmudique qui eut son quart d’heure de gloire, même si sa formulation lapidaire est matière à interprétation : mét assour be hana’a, grosso modo il est interdit de se servir d’un mort, de l’utiliser à quelque fin que ce soit.

On avait jadis utilisé ce principe contre la pratique de l’autopsie en Israël, je l’applique aux ravisseurs du Hamas qui se servent de cadavres pour faire pression sur leurs ennemis.

A chacun de se faire son opinion…

Maurice-Ruben HAYOUN
Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève. Son dernier ouvrage : Franz Rosenzweig (Agora, universpoche, 2015)

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madeleine

Très bonne proposition de Johanan. Mais il faut cependant savoir que les arabes, contrairement aux israéliens, se fichent pas mal de savoir si un des leurs est toujours en vie ou s’il est mort. Ils ne feront rien pour le récupérer puisqu’ils s’en fichent.
De toute façon, Israël, quoi qu’il fasse, est toujours sous le feu des critiques mondiales antisémites qui se cachent derrière le masque d’antisionisme. Alors critiqué pour critiqué, Israël doit toujours agir pour son propre intérêt et celui des Juifs. Comme dit le dicton : « les chiens aboient mais la caravane passe ». Autrement dit Israël doit passer outre des critiques et ne pas montrer des faiblesses dont profiteront ses ennemis. Se montrer fort inspire le respect. Se montrer trop respectueux de l’éthique morale est un signal de faiblesse.

Yéhoudi

si simple pourtant

les couper de tout contact, les affamer, les assoifer, les laisser sans electricité, sans gaz, sans téléphone,sans télé

ne clament ils pas partout qu ils vivent dans un camp de concentration ?? voire d’ extermination ?

alors, autant leur donner raison!

si Israel redevient ferme, je ne leur donne pas 10 jours pour se soulever….

JOHANAN

SI LES MECS DE LA POLTIQUE SE CROIENT INVULNERABLES IL FAUT LEUR MONTRER QUE CE N4EST PAS LE CAS AVEC LES TERRORISTES ET LEURS DIRIGEANTS , NOUS AVONS FAIT TOMBER PHARAON ET OG ROI DU BASAN ? ALORS PAURQUOI PAR LES ABOU MAZEN ET SA CAMAILLA DE TRAITRES A LA VIE

johanan

La solution est simple il faut saisir les dirigeabts palestiniens er du HAMAS comme pour EICHMANN les mettre en prison pour ne les ;liberer qe contre nons enfants