Photo Evelyne Gougenheim

Nécessaire vigilance et Espoir©

Par Evelyne Gougenheim

Le sale attentat de Barcelone, 13 morts et 100 blessés*, est omniprésent encore. Seules quelques heures se sont écoulées : témoignages, parcours des terroristes, analyses, le dispositif habituel se met en place, pour laisser place dans quelques jours à la suite des événements qui se succèdent à un rythme de plus en plus accéléré. La France et ses déséquilibrés, l’Espagne et ses terroristes, Israël et ses palestiniens allergiques aux portiques de sécurité, un été désormais comme les autres.

Presque. Parce que dans Paris, à quelques mètres de la Seine, au Mémorial de la Shoah se déroule chaque lundi, jeudi et samedi, à 12h très précises une cérémonie discrète, émouvante, éprouvante. Pour le 75ème anniversaire de la sinistre année 1942, la lecture des Noms de chaque convoi est faite**.

Il y a peu de monde, environ trente personnes, presque toujours les mêmes, les fidèles et valeureux compagnons des Fils et Filles des Déportés Juifs de France. Lundi, jeudi, samedi cette année les dates civiles correspondent à ces jours, les jours où l’on sort la Torah.

Symbole lourd, qui renforce encore notre émotion cette année, à l’occasion de cette cérémonie initiée par le Rabbin Fahri.

Tous ces Déportés n’étaient-ils pas juifs ? Serons-nous jamais aussi juifs qu’eux ? Eux-là qui sont morts parce que juifs, mortellement juifs ? Alors le Mémorial qui organise ces Lectures,  très bien, avec des verres d’eau, des mouchoirs, a prévu également les Kippot pour le Kaddich lu – heureusement.

A 12h, Serge Klarsfeld prend la parole et raconte l’histoire de ce convoi.

Le nombre d’hommes, de femmes, d’enfants, leurs origines, où ils avaient été raflés, combien ont été « sélectionnés » et combien sont directement allés à la mort. Enfin, le nombre de survivants revenus. Des revenants ?

Serge et Béate Klarsfeld sont quasiment présents à chaque Lecture, de même que les porte-drapeaux dignes et silencieux, sentinelles immobiles de la Mémoire. La Lecture commence avec pour les enfants leur âge et s’égrènent les noms. Des noms de famille qui écorchent la bouche, difficiles à lire et à prononcer avec plein de  Z W Y K J . Des nom disparus totalement, en même temps que ceux qui les portaient.

Pour les convois actuels dont celui portant le numéro 20, la proportion d’enfants est particulièrement importante, plus de la moitié, conséquence de la Rafle du Vel d’Hiv.

Imagine-t-on ce que pouvaient être ces wagons ? N’imaginons pas, c’est inutile. Sur les mille personnes de ce convoi, seuls 97 ont été  « sélectionnées », faut-il dire ont eu la chance de ? Tous les autres, tous les enfants de 2 ans, 8 ans, 13 ans, 5 ans, les petits Simon Izhaak, Mechoulam, Albert, Adolphe – le seul endroit où ce prénom, Adolphe, le prénom de mon père ne suscite aucune réaction – ont été tués, assassinés, gazés, broyés, anéantis dès la descente du train. Parfois l’un des lecteurs montre une photocopie de photo un peu jaunie sous un plastique et raconte l’histoire de celui ou celle qui aurait pu vivre : son oncle, sa mère, son grand-père.

Pourquoi parler de tout cela aujourd’hui, l’atmosphère n’est-elle pas déjà suffisamment lourde ?

Simplement pour rappeler, car c’est bien aussi le sens de la Lecture des Noms, que l’horreur la plus inimaginable s’est déroulée non pas une fois et un jour, mais tous les jours durant des semaines, des mois et des années.

Tout avait été annoncé, écrit, prédit, certains avaient alerté. Il y a eu des articles dans la presse qui parlaient, dès 1941, des exterminations de Communautés entières qui disparaissaient, 70 000 personnes jamais revues. Mais cela semblait trop impossible, trop au-delà des limites de ce qu’on pourrait appeler la morale ou le sens commun.

Alors, oui il faut certainement se documenter et lire notamment « Le fascisme islamique », mais je ne puis que vous conseiller d’aller assister à cette Lecture, non pas seulement une fois, plusieurs fois dans ce silence lancinant où s’égrènent les noms et les âges. Je ne connais aucun moyen plus efficient pour apprendre que la vigilance n’est jamais excessive et qu’elle doit nous guider à chacun de nos pas. Nous n’avons plus le droit de croire au mythe de l’humanité généreuse et bienveillante. Ce mythe est mort, gazé lui aussi.

En Israël, à Hevron, des gens risquent leur vie, celle de leurs enfants, celles des soldats qui les protègent au nom de la Fidélité à l’Alliance avec Abraham. Là est l’espoir la Hatikva, car là-bas l’humanité a survécu et se bat chaque jour pour sa survie.

Photo Evelyne Gougenheim

Nous avons le choix : continuer à sommeiller avec de temps en temps durant les 48h qui suivent un attentat des éclairs de lucidité ou nous mettre en état de réfléchir aux moyens de faire face à une situation de crise qui ne fait que commencer

Am Israël ‘Hay !

*Ce bilan est hélas revu encore à cette heure

**Mémorial de la Shoah, rue Geoffroy Lasnier: lundis, jeudis et samedis à 12h jusqu’en novembre (sauf exception). Pour plus de précisions, consulter l’agenda détaillé 

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