Dans quelques semaines, le Conseil israélien de l’enseignement supérieur se penchera sur l’adoption d’un code éthique qui a pour but d’encadrer l’expression politique dans les universités et les collèges. Il a été mis en œuvre par le Prof. Emérite Asa Kasher, à la demande du ministre de l’Education, Naftali Bennett.

Majoritairement condamné par le corps enseignant, il a principalement pour but de dissuader les chargés de cours à exprimer leurs opinions politiques dans le cadre de leur enseignement. En outre, il leur interdirait de soutenir le boycott de l’enseignement israélien. De nombreux professeurs ont d’ores et déjà promis d’ignorer cette réglementation pour le cas où elle serait adoptée. Quant aux étudiants, ils menacent de faire grève.

Comme dans la plupart des pays occidentaux, les établissement de l’enseignement supérieur israélien ont tendance à avoir une sur représentation de personnel enseignant partisan. La droite considère depuis longtemps qu’ils sont les bastions d’une élite issue des rangs de la gauche, de même que les médias, le pouvoir judiciaire, les organisations culturelles et autres, de la société civile.

Bennett a répondu à la vague de critiques émanant du milieu universitaire, en pointant que ce Code de déontologie s’appliquerait aussi bien aux tenants de la gauche qu’à ceux de la droite. «Nous agissons aujourd’hui pour que cesse la mise au silence d’opinions contradictoires, dans le milieu universitaire; Pour empêcher que des étudiants puissent être pénalisés d’une quelconque façon, en raison de leurs opinions politiques; Pour éviter que des chargés de cours rémunérés par le contribuable israélien, se permettent d’appeler au boycott du milieu universitaire israélien, qui les emploie « . Ce code, ce n’est pas les Dix Commandements a souligné Bennett mais plutôt une ouverture au dialogue. Quiconque se donnerait la peine de le lire pourrait s’en rendre compte. « La culture du débat et de la makhloquet (polémique ou controverse), qui est à la base du Talmud, est profondément enracinée dans le judaïsme. Ce code marque le début d’un cheminement et d’une concertation qui doit aboutir à un consensus, qui autoriserait sa mise en œuvre « , a-t-il déclaré.

Kasher, le rédacteur de ces propositions controversées, est un professeur de philosophie et d’éthique à l’Université de Tel Aviv. Lauréat du prix Israël, il a également co-écrit le code éthique des Forces de défense israéliennes, fort respecté, qui dispose d’un large consensus. Il s’est insurgé contre ces critiques exprimées par le corps enseignant. « Le problème qu’ont ces personnes avec le Code de déontologie, s’appelle Bennett. A partir du moment où c’est lui qui en a eu l’initiative, la gauche sera systématiquement contre « , a déclaré Kasher.

Il a tout particulièrement critiqué l’Association des directeurs d’université, qui orchestre cette campagne contre le code. « Les membres de cette association fonctionnent comme les rabbins Haredi (Ultra-orthodoxes). C’est à dire comme un clan qui est animé par son instinct de conservation, et qui agit dans le but de protéger ses propres intérêts. « Kasher est convaincu que si le boycott universitaire d’Israël portait ses fruits, des milliers de chargés de cours seraient licenciés.

L’Association des directeurs d’université décrit le code proposé comme un «ensemble de règles dictées par le régime». Il est accusé de vouloir priver les institutions d’enseignement supérieur de leur liberté d’expression en voulant dicter les règles de conduite et de comportement aux membres du corps enseignant. Et ce faisant, il viole de manière flagrante les fondements de la liberté académique « . Le professeur Niv Gordon, de l’Université Ben-Gurion du Negev de Beersheba, a déclaré: » Vous ne nous arrêterez pas. Nous continuerons à discuter politique pendant les cours. « 

Le célèbre historien Yuval Noah Harari de l’Université hébraïque de Jérusalem, dont les livres sont devenus des best-sellers internationaux, a comparé la situation qui règne en Israël aujourd’hui, avec le McCarthyisme des années 1950, aux États-Unis. A l’occasion d’un de ses cours il a dit à ses élèves que si le Code d’Ethique venait à être adopté « j’ai l’intention de faire en sorte de le violer à chacun de mes cours ». Il a également mis en garde contre cette «atmosphère de censure, de police de la pensée et de peur», qui règne dans le sillage de la mise en œuvre de ce code. Il a prévenu qu’ «on ne se débarrasse pas d’un régime autoritaire en un jour; La solution est donc de désobéir dès le début « .

Un enseignement supérieur qui penche trop à gauche

Mais tous les professeurs ne verraient pas sa mise en place d’un mauvais œil. Le lauréat du Prix Nobel d’économie, le Prof. Yisrael Aumann, a déclaré que le monde de l’enseignement supérieur est composé principalement d’une clique de gauchistes, qui fonctionne comme un club très fermé. « Il existe un problème récurrent qui frappe tout le système d’enseignement supérieur en Israël. Il est très, très orienté. Il n’y en a que pour les gauchistes. Ils se serrent les coudes et ne tolèrent que ceux qui pensent comme eux ».

Le Prof. Avraham Diskin du Centre académique du droit et de la science a également salué favorablement ces propositions. « Il s’agit d’une série de lignes directrices comportementales raisonnables et modérées, qui ne sont pas assorties de mesures punitives. Les universitaires, qui se répandent volontiers en invectives contre le «régime d’apartheid» d’Israël, et qui qualifient Tsahal de «Force de défense Néo-Nazi», sont ceux-là même qui soutiennent le plus souvent les boycotts contre l’État. Ils se sont prononcés farouchement contre le code, tout simplement parce qu’ils pensent que la liberté d’expression universitaire qui doit s’appliquer si c’est pour mettre Israël à l’index, à l’intérieur et à l’extérieur des établissements, mais n’a pas lieu d’être pour un code de déontologie. Qui d’ailleurs ne pourrait pas être plus tolérant « .

Selon l’ONG de droite Im Tirzu, en raison du diktat du politiquement correct et de la pensée unique qui sévit dans les universités israéliennes depuis des années, les étudiants ont peur d’exprimer leurs opinions. Eitan Meir, directrice des relations extérieures d’Im Tirzu, appelle de ses vœux, l’adoption d’un Code de déontologie, depuis longtemps. « Ce code serait une vraie bouffée d’oxygène. Au cours de ces dernières années, des centaines d’étudiants se sont plaint que leurs professeurs distillaient des contenus antisionistes radicaux dans leurs cours et ces étudiants craignent d’exprimer leurs opinions par peur d’être sanctionnés par de mauvaises notes.

Meir a également critiqué l’étroite accointance les universités et les ONG de gauche qui coopèrent sur le terrain. «Les étudiants peuvent décrocher des bourses et des crédits universitaires, s’ils font du bénévolat pour des organisations telles que B’Tselem et Hamoked, qui défendent les terroristes devant les tribunaux. Le Département des études du Moyen-Orient à l’Université Ben-Gourion a voté en faveur de l’attribution d’un prix de 20 000 shekel à l’ONG « Breaking the Silence »*, une organisation des plus controversée en Israël. C’est absurde. »

Il n’est pas de l’avis de certains, qui s’inquiètent de ce que le Code de déontologie pourrait amener les élèves à espionner leurs professeurs et les porter à la délation. « Je pense que ce serait une bonne chose, que les élèves n’aient plus peur d’exprimer leurs opinions en classe. Les étudiants ont le droit d’avoir des opinions contradictoires, et le milieu universitaire est justement le lieu par excellence ou la pluralité d’opinion doit s’exprimer. Leurs opinions ne devraient en aucun cas leurs être dictées par les professeurs.

Le code d’éthique au regard de la loi

L’Institut démocratique d’Israël soutient que le code invalide l’autonomie des institutions d’enseignement supérieur. Ce qui constitue une violation de la loi sur l’enseignement supérieur. Yohanan Plesner, le président de l’IDI et ancien membre de la Knesset du parti Kadima, a déclaré que le Code de déontologie élargit la définition de ce qu’est l’activisme politique au-delà du raisonnable. Cela menacerait, selon lui, de nuire à l’esprit universitaire. « Le système académique israélien est l’une des merveilles que nous a laissé le sionisme en héritage. Il est aussi l’un des atouts majeurs de notre nation. Ces propositions de mesures mettent cet acquis en danger. Ce code va à l’encontre de l’éthique de base du milieu universitaire. La question clé est justement de s’entendre sur une définition de l’activisme politique. Le Code de déontologie le définit de manière tellement large, que si l’on s’y conformait, on aurait plus qu’à supprimer l’économie et la sociologie, des disciplines enseignées.

Selon Plesner, le code n’a été élaboré que pour complaire à quelques voix marginales et radicales. « Mais cela met en péril les fondements de l’ensemble du monde universitaire israélien. Un code d’éthique devrait être proposé par les institutions elles-mêmes, suite à un dialogue au niveau national, et non pas être concocté par un quelconque gouvernement. Sinon, on en revient à imposer d’en haut un code finalement plus éthique du tout, dans la mesure où il distille la peur et fait régner une situation juridique délétère, où les chargés de cours finissent par devoir constamment se surveiller et se disculper. C’est dangereux et contre-productif. « 

Le Syndicat national des étudiants israéliens a menacé de faire grève, si le code venait à être mis en application. Il fait valoir que de son point de vue, le gouvernement se fourvoie en pensant qu’avec ces restrictions il parviendra à canaliser la liberté d’expression dans le milieu universitaire. « Les discussions qui ont lieu aujourd’hui permettent de lancer le dialogue et il faut continuer dans cette voie. Nous voulons un code qui veille à ce que les élèves puissent débattre de ce qu’ils veulent. Pas d’un code qui leur serait imposé d’en haut et qui ne leur permettrait plus de parler politique », a déclaré Nava Edelstein, directrice des relations internationales du Syndicat national des étudiants israéliens.

Le Code de déontologie est également été critiqué à l’étranger. L’Association américaine des professeurs d’université et la Fédération américaine des enseignants se sont inquiétés de ces propositions qui, de leur point de vue, représenteraient une menace non seulement pour la liberté académique en Israël, mais aussi pour Israël en tant que démocratie. « Aucun enseignant, quel que soit son niveau académique, où que ce soit dans le monde, ne devrait se voir formaté par des forces extérieures, qui viendraient lui dicter quoi dire ou comment penser. Une telle proposition est l’antithèse de la pensée critique et des principes démocratiques « , ont fait savoir ces organisations dans une déclaration conjointe. « Nous appelons le gouvernement israélien à rejeter cette proposition du ministre de l’Éducation Naftali Bennett dans des termes clairs. Les universités israéliennes doivent rester des paradis pour la curiosité intellectuelle et l’étude sérieuse. Sans ingérence de l’Etat pour surveiller ou restreindre les positions politiques des membres de la faculté et du corps enseignant. Cela infirmerait la qualité de leur enseignement dans leurs domaines d’expertise respectifs, qui doit jouir d’une totale liberté.

Les organisations ont souligné que s’ils s’opposaient aux tentatives de boycott des universités israéliennes, ils s’opposaient également à la censure des débats sur les propositions de boycott. « Où vous êtes pour la démocratie et la liberté d’expression, ou vous êtes contre. C’est pourquoi l’adoption de ce code éthique, ne pourrait que nuire gravement à Israël sur la scène internationale « .

Rivlin se positionne plutôt contre…

Le président Reuven Rivlin a exprimé son soutien aux universités israéliennes. « La liberté de pensée, d’opinion et de créativité est la pierre angulaire dans le domaine des arts et des sciences, ainsi que de la démocratie israélienne. Les arts, la culture et les sciences n’appartiennent à personne « , a déclaré M. Rivlin. « La vitalité en recherche et développement dans le domaine scientifique, ne peut pas être florissante, ni les créations artistiques inspirées et inspirantes, si nous ne cultivons pas de systèmes encourageant l’existence d’idées différentes, controversées et inattendues et favorisant l’entreprenariat».

Tollé chez les politiques de gauche

Des politiciens ont également fait entendre leurs voix pour critiquer cette initiative. Tzipi Livni, membre de la Knesset pour l’Union sioniste, a déclaré que le code était «un document non éthique et non kasher [en allusion au nom de son auteur] qui ne sied qu’à des gouvernements ignares ».

MK Erel Margalit (Union sioniste) a décrit la proposition comme une nouvelle étape dans la compétition entre les politiciens de droite, pour savoir qui arriverait le mieux à endormir le peuple. « Bennett veut montrer à son parti [Bayit Yehudi] que la [Ministre de la Culture et du Sport du Likoud] Miri Regev n’est pas la seule à monter au créneau », a déclaré Margalit. « Bennett à cette mentalité de droite qui a comme objectif de faire taire les voix dissonantes, et qui a la liberté d’expression dans le collimateur « .

Le député Ofer Sélallah de Yesh Atid a déclaré que le Code d’éthique était la preuve que «parfois, les professeurs, sans parler des ministres, ne comprennent tout simplement rien au milieu universitaire. La police de la pensée ne peut tout simplement pas y avoir droit de cité.

Applaudi à droite

Pour autant, de nombreux politiciens de droite se sont félicités de ce nouveau Code de déontologie. La député Shuli Moalem-Refaeli de Bayit Yehudi a déclaré: «Chaque étudiant moyen peut attester du fait que les universités israéliennes penchent à gauche et distillent des propos militants. Nous ne parlons pas seulement de grands universitaires qui militent contre l’état d’Israël. Il s’agit en tout premier lieu, de lutter contre ceux qui cherchent à promouvoir leurs idées politiques. Leur propagande se manifeste dans leurs cours, leurs conférences et dans la recherche. Si les milieux universitaires en Israël étaient plus réservés et essayaient au moins de rester politiquement neutres, il n’y aurait pas lieu d’intervenir « . Reste à savoir si le Code d’éthique sera approuvé par le Conseil de l’enseignement supérieur sous sa forme originale, ou peut-être plutôt dans une version édulcorée. Mais pour certains qui en critiquent non seulement la teneur, mais le principe même, le mal est fait. Le spectre d’hypothétiques sanctions suffira à étouffer dans l’œuf toute velléité de dialogue et de débat d’idées sur les campus israéliens.

  • Rompre le silence

LE CODE ETHIQUE EN QUELQUES POINTS: • Les membres du corps enseignant ne doivent pas se prononcer en classe sur des questions politiques, à moins que ces questions entrent directement dans le cadre du programme de leurs cours. • Les membres du corps enseignant ne doivent pas soutenir les boycotts d’établissements d’enseignement supérieur. • Les membres du corps enseignant ne doivent pas encourager les autres à soutenir un boycott académique. • Les centres de recherche académiques ne coopéreront pas avec les ONG politiques. • Chaque établissement devra disposer d’une unité chargée de surveiller l’activisme politique sur les campus. • Les chargés de cours qui discuteront de politique seront éventuellement sanctionnés par des mesures disciplinaires.

MARK WEISS – Jérusalem Post – Traduction adaptation Kathie Kriegel

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

1 Commentaire
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Ratfucker

« Un clan qui est animé par son instinct de conservation, et qui agit dans le but de protéger ses propres intérêts. », définition d’un système maffieux, qui de surcroît tente de perpétuer l’idéologie mortifère stalinienne dans l’enseignement et les réseaux socio culturels. Les ONG sont le bras armé de cette secte, et constituent des nids de barbouzes qu’aucun état souverain ne peut tolérer