Une éventuelle base militaire russe en Egypte et la redistribution du marché global du Pétrole

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La redistribution du marché du Pétrole et le retour de la Russie en Egypte

Simultanément aux accords conclus à Istanbul, entre la Russie et la Turquie, les nouvelles sont devenues du domaine public que la Russie envisage la création d’une base navale dans le Port syrien de Tartous. Et il est aussi parue dans les médias russes l’information à propos de négociations entre Moscou et Le Caire, concernant la location d’installations militaires en Egypte. Fondamentalement, ces discussions concernent le retour des forc es armées russes sur l’ancienne base soviétique de Sidi Barrani, abandonnée en 1972;

L’alignement des faits et des intérêts

Les négociations semblent se poursuivre depuis longtemps. Déjà, en février de l’an dernier, la 9ème chaîne de Télévision israélienne mentionnait une augmentation suspecte dans l’intensité des vols d’avions de transport russes vers la côte africaine de la Mer Méditerranée. Ces avions faisaitb un détour considérable, pour éviter l’espace aérien turc, en modifiant les lettres d’appel et en disparaissant des radars juste tout près de la ville de Sidi Barrani.

Nos médias viennent juste de découvrir ces contacts militaires entre la Russie et l’Egypte. Cettepiste remonte directement à deux sources, au Ministère des Affaires Etrangères russe et une autre au Ministère de la Défense. Il est évident que l’agenda de cette fuite n’a pas été choisi au hasard. Réunie avec les trois informations en ligne qui évoquent le pétrole et titrent : « La Russie de retour dans le Grand Jeu ». Cela correspond moins à des jeux militaristes qu’au grand jeu pétrolier.

L’accord avec Erdogan sur le « Gazoduc turc » et l’annonce de l’installation de la base navale militaire russe en Syrie ont claqué deux fenêtres d’opportunité pour Washington entre le Moyen-Orient et l’Europe.

Permettez-moi de vous rappeler que la guerre civile en Syrie a éclaté immédiatement après la signature d’un mémorandum tripartite entre Damas, Bagdad et Téhéran, à propos de la construction d’un pipeline gazier allant d’Iran jusqu’en Méditerranée, et que la Turquie est le seul territoire (en contournant la Russie) pour le transport d’hydrocarbures, depuis la Région Caspienne vers l’Union Européenne.

Cette base militaire en Egypte, s’il elle s’y installe, marquera la présence russe sur une des principales autoroutes de transport au monde. L’existence de cette base constituerait un défi insurmontable (et intolérable) pour l’ensemble du monde anglo-saxon.

La clé de Suez

Depuis l’époque de l’Empire Britannique, Le Caire était déjà considéré comme la clé qui ouvre l’accès à l’ensemble du Moyen-Orient. Dans les pays voisins de l’Egypte, toutes les révolutions, les coups d’Etat et les nationalisations de ces 150 dernières années est en rapport direct avec les concessions pétrolières. Dans le pays des Pharaons, le principal moteur politique a toujours été, non pas la possession de concessions pétrolières, mais « la Grande Route du Pétrole » – le Canal de Suez, le joyau de l’Empire Britannique et le pilier de sa domination commerciale.

Depuis l’inauguration du Canal de Suez, en 1869, toute son histoire est, de façon surprenante, directement en relation avec le pétrole russe. Plus précisément, la compétition pour l’obtention des marchés asiatiques entre « “Standard Oil” (John D. Rockfeller) et le Pétrole russe. A cette époque, “Standard Oil” contrôlait la totalité du marché mondial du kérosène. Même sur le marché russe, malgré leurs propres réserves riches en pétrole de Bakou, la part de kérosène des Etats-Unis se montait à 80%.

La bonne raison en était l’ensemble de la politique précédente de l’Empire Britannique, visant à isoler la Russie, en la privant de son accès direct aux routes commerciales du monde. Le kérosène russe était transporté vers l’Europe par Bakou, sur le fleuve de la Volga jusqu’à Nizhny Novgorod,  et plus tard, jusqu’à St-Petersbourg. En conséquence, le fret de New-York jusqu’à Kronstadt coûtait 25 à 30 cents le litre, alors que la livraison de Bakou à Nizhny-Novgorod était de 35 cents.

Tout cela en déît du fait qu’il n’y a que 644 kms entre Bakou et la Mer Noire, qui ouvre l’accès à toutes les voies commerciales mondiales et au fleuve du Danube (la principale artère de transport en Europe). La Russie a été privée de l’opportunité de disposer d’un port dans le Sud du Caucase. Dans les détroits de la Mer Noire et à l’embouchure du Danube régnait alors la Sublime Porte (l’Empire Ottoman), dont le statut dominant était sanctuarisé par les conséquences de la Guerre de Crimée (1853-1856) et les garanties apportées par la France et la Grande-Bretagne.

La solution russe

Avec l’accès au marché pétrolier mondial, la situation a changé de façon dramatique. La condition mandataire  assurant la domination de l’Empire Britannique dans le monde (et le blocus de l’Empire Russe), a aidé « Standard Oil » à établir un monopole mondial. L’Angleterre et l’Europe continentale étaient totalement dépendantes du monopole américain.

C’est à ce moment que l’Europe éclairée a brusquement commencé à se préoccuper des problèmes des opprimés victimes des Turcs Bulgares. « Le désastre humanitaire » dans les Balkans a contraint la France et la Grande-Bretagne à abandonner les garanties qui résultaient de la Guerre de Crimée. Les meilleurs esprits d’Europe s’exprimaient en faveur de la liberté des peuples orthodoxes à l’égard du joug musulman : Charles Darwin, Oscar Wilde, Victor Hugo et Giuseppe Garibaldi.

En 1877, a débuté une nouvelle guerre russo-turque ( la guerre de Libération). La Grande-Bretagne soutenait la Russie, mais à une condition : Il n’y aurait pas de grand Etat orthodoxe dans les Balkans. Au bout du compte, seulement une partie de la Bulgarie a retrouvé sa liberté.

Et la Russie a pris le contrôle de l’embouchure du Danube et des ports transcaucasiens de Batumi. Immédiatement après la signature du traité de paix Russo-Turc, a débuté la construction de la ligne de chemin de fer Transcaucasien (Bakou-Batum). L’investisseur était la Maison Bancaire de Rothschild, en échange du droit de propriété de champs de pétroles préférentiels à Bakou.

En 1883, cette voie a été mise en service et les exportations de kérosène russe ont augmenté au cours des sept années suivantes, de 25 mille tonnes à 620 mille tonnes (soit 25 fois lamise de départ). Le monopole de « Standard Oil » était détruit en un temps record. Le kérosène russe a commencé à fournir 70% des besoins des consommateurs européens. La plupart des livraisons étaient assurées par la Maison des Rothschild.

Ce n’est que les Affaires

Après avoir chassé « Standard Oil » d’Europe, la nouvelle zone d’affrontement pour s’emparer des marchés à croissance rapide d’Asie de l’Est n’était plus qu’une question de temps. Le résultat de cette collision dépendait directement du Canal de Suez. La distance entre Philadelphie et Singapour, par le Cap de Bonne Espérance était de 24 140 kms, et de Batumi par le Canal de Suez, de 18 510 kms.

Dans les deux ans précédant la Guerre de Libération russo-turque, l’Engleterre a forcé le dirigeant d’Egypte, Ismail Pasha à vendre ses parts du Canal de Suez à Londres et à partager avec la France le droit de l’exploiter. Un an avant la fin de la construction de la voie Bakou-Batum, la Grande-Bretagne occupait l’Egypte et prenait le contrôle du Canal de Suez, en poussant la France de l’épaule.

L’achat des actions du Canal de Suez a financé la branche anglaise de la famille Rothschild et 60% des exportations du kérosène russe étaient contrôlés par les Rothschild français. Toutes les conditions pour une attaque rapide de la position de « Standard Oil » en Asie étaient réunies.

Pour faire contrepoids à la Maison Bancaire des Rothschild, dans les pourparlers avec le Gouvernement d’Angleterre, sur la circulation pétrolière à travers le Canal de Suez, on a choisi le marchand Marcus Samuel -un autre entrepreneur Juif-, d’East End, qui avait hérité de son père d’une petite compagnie appelée : « Shell ». Cette entreprise vendait de petites embarcations faites de coquillages, mais elle disposait de réseaux bien établis à Calcutta, Singapour, Hong Kong, Bangkok, Manille et en bien d’autres endroits d’Asie.

En 1890, Marcus Samuel arrive à Bakou et ensuite, il fait la tournée des pays asiatiques où il se lance dans la construction de plusieurs réservoirs de pétrole. A son retour en Angleterre, il dépose une commande aux armateurs écossais pour la fabrication de bateaux-citerne ces Océans.

Ces cargos étaient encore à quai, l’Angleterre n’ayant pas émis de permis de traverser le Canal de Suez pour les gros tankers, mais Samuel avait déjà signé avec les Rothschild un contrat sur 9 ans(jusqu’en 1900), grâce auquel il recevait l’exclusivité des droits de vente du kérosène russe à l’Est de Suez.

« Standard Oil » a essayé de détruire ces plans et a embauché la plus célèbre société d’avocats de l’époque, à Londres, « Russell and Arnholts », qui a mené une attaue puissante de lobbying. Elle a employé l’argument classique – « La menace russe ». Les avocats ont averti le gouvernement britannique que s’il autorisait aujourd’hui le passage des pétroliers appartenant à des marchands anglais, par le canal de Suez, demain, les entreprises russes seraient aussi en capacité de le faire. Et que les officiers et marins russes étaient capables « de bloquer la navigation dans le Canal » et de l’interrompre.

Apparemment, ces avocats n’étaient pas au courant du contrat d’exclusivité dont disposait Marcus Samuel avec les Rothschild. On ne sait toujours pas si le Ministre des Affaires étrangères britannique le savait,mais il avait une position de principe : le passage des pétroliers britanniques par le Canal de Suez correspondait aux intérêts de l’Angleterre. Bientôt, l’Autorité du Canal de Suez a publié cette autorisation.

Tout cela se passait à une vitesse extraordinaire pour la bureaucratie britannique. Le 23 août 1892 (un an après la signature du contrat avec les Rothschild), le premier navire-cargo pétrolier de Samuel, le « Murex » traversait le Canal de Suez avec une cargaison de 4.000 tonnes de kérosène provenant de Bakou. L’année suivante, Samuel lançait dix autres navires. Pendant longtemps, la participation de Marcus Samuel dans le transport du kérosène par le Canal de Suez n’est jamais tombé en-dessous de 90%.

Le Grand Jeu pétrolier a brisé la tentative russe de devenir un acteur indépendant, avec l’aide de la construction du Transsibérien. Cette tentative s’est achevée par la guerre russo-japonaise et la destruction des champs pétroliers de Baku. Mais le grand jeu ne s’arrête pas là.

Le Revers du 20ème Siècle

Après la révolution égyptienne (1952) et la nationalisation du Canal de Suez (1956), la Grande-Bretagne avec le soutien de la France et d’Israël a tenté de reprendre le contrôle de Suez par des moyens militaires. La guerre s’est terminée par les efforts conjoints de l’URSS et des Etats-Unis, qui espéraient instaurer leur propre contrôle sur le Canal.

Abdel Nasser a fait le pari de l’URSS, mais en 1967, comme conséquence de la Guerre israélo-arabe des Six-Jours (cette fois, avec le soutien des Etats-Unis), le canal a été bloqué par les troupes israéliennes. Chaque année, l’Egypte a perdu 4 à 5 milliards de dollars (encore basé sur l’or à l’époque), à cause de la paralysie du canal.

Après la mort de Nasser en 1970 et l’arrivée au pouvoir d’Anouar El Sadate, l’Egypte a changé ses priorités et s’est détournée de l’Union Soviétique pour devenir l’alliée des Etats-Unis. En 1972, Sadate a expulsé d’Egypte tous les conseillers soviétiques et fermé la base militaire de Sidi Barrani. Et deux ans plus tard, Israël a retiré ses troupes et l’Egypte a commencé à restaurer le Canal de Suez.

Depuis lors, la conjoncture du marché pétrolier a radicalement changé. Les Etats-Unis ont abandonné l’étalon-Or, limité la production intérieure de pétrole et s’est transformé, d’exportateur en principal importateur de pétrole. Le Canal de Suez, en tant que principale route pétrolière se dirige maintenant dans la direction opposée : il sert à fournir des matières premières à l’Europe et aux Etats-Unis et son contrôle est une priorité stratégique pour Washington.

***

Aujourd’hui, le monde est entré dans une ère de redistribution des nouveaux atouts pétroliers. Les précédentes redistributions ont été associées aux révolutions de colonels locaux ( Kadhafi, Saddam) dans les pays riches en pétrole, avec le soutien tacite de l’Union Soviétique et la nationalisation des concessions d’extraction de pétrole des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Actuellement, il existe un processus inverse : les « révolutions colorées » et le retour de la production et du transport pétrolier sous le contrôle direct des Etats-Unis.

Si l’information du retour de la Russie à Sidi Barrani se confirme, cela signifierait que la proposition alternative que la Russie a faite au marché pétrolier mondial en venant en Syrie, a été entendue, non seulement par la Chine, mais aussi par les pays arabes.

Ecrit par Léonid Krutakov, paru à l’origine sur histrf.ru, traduit par RU Experts.

southfront.org

Adaptation : Marc Brzustowski

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jcg

La france , ou ce qu il en reste a toujours ses capacites de nuire , surtout contre l etat Juif !
Les conflits ont toujours une origine economique et politique , ensuite on raconte au peuple le blabla de la religion ,le patriotisme etc…pour galvaniser les populations qui serviront de chaire a cannons .

André

« L’existence de cette base constituerait un défi insurmontable (et intolérable) pour l’ensemble du monde anglo-saxon… Canal de Suez, le joyau de l’Empire Britannique et le pilier de sa domination commerciale. »

Article de propagande russe… Et l’Europe ? Et la France, rien à voir avec le canal de Suez non plus ?